Rencontre avec Thierry Weber, auteur

Professeur de philosophie et co-fondateur des éditions Tonnerre de l’Est, il vient de signer un nouvel ouvrage consacré à la Romanée-Conti. Une réflexion autour des grands vins du domaine et de l’œuvre proustienne. Avant-goût, en amont d’une rencontre & dédicace organisée à l’Athenaeum, ce 12 mars, de 19h à 20h30, en présence d’Aubert de Villaine.

Comment le professeur de philosophie que vous êtes est-il devenu l’un des éditeurs les plus spécialisés de France ?

J’ai toujours été féru de vins et de viticulture biodynamiques. Il y a des années, presque des décennies maintenant, j’avais envie d’en faire des livres d’art, tout à la fois clairs et concis. Des ouvrages qui s’adresseraient aussi bien aux amateurs qu’aux professionnels. Au début des années 2000, cela n’existait pas. En 2011, avec quelques amis, nous nous sommes donc lancés dans l’aventure, en créant les éditions Tonnerre de l’Est. Une maison totalement indépendante. Un luxe.

Après les domaines d’Olivier Humbrecht, Lalou Bize-Leroy, Jean-Louis Chave, Pierre Overnoy ou encore Jean-Pierre Frick, vous consacrez votre dernier livre à la Romanée-Conti… Comment s’est faite votre rencontre avec Aubert de Villaine et, au-delà, comment l’avez-vous convaincu de se lancer dans un nouvel ouvrage ?

Depuis très longtemps, j’ai pris l’habitude d’adresser à M. de Villaine chacune de nos nouvelles parutions. Cela fait plus de 8 ans, à vrai dire, que nous sommes en contact par lettres interposées. J’ai toujours eu le désir de publier un livre sur la Romanée-Conti. Je restais marqué par cette citation de M. de Villaine, selon laquelle « la Romanée-Conti était le plus proustien des grands vins… ». Au point d’écrire spontanément, tout seul, dans mon coin, un texte sur le sujet, que je lui ai finalement adressé. À ma grande surprise, il m’a répondu. Il avait pris la peine de le lire, l’avait apprécié et me proposait diverses corrections. C’était le début de notre collaboration…

Justement, comment avez-vous travaillé ensemble ?

À plusieurs reprises, nous nous sommes rencontrés, à Vosne-Romanée, pour échanger sur la version en cours. Petit à petit, les rôles se sont inversés : M. de Villaine a, d’une certaine façon, endossé les responsabilités d’un éditeur. Je ne m’y attendais pas. C’est pourtant aussi un homme de lettres. J’étais ravi. Tant est si bien qu’au-delà des suggestions qu’il a bien voulu apporter, je lui ai proposé d’écrire une préface. Il a accepté et m’a fait cadeau d’un texte qui représente bien plus à mes yeux qu’une simple introduction. Nos écrits sont très complémentaires, laissant à chacun le choix de commencer par le sien ou le mien, qui est à peine trois fois plus long.

Vous le disiez, le point de départ de cet ouvrage est assez singulier. Il s’agit d’une citation de M. de Villaine rapprochant les vins de la Romanée-Conti de l’œuvre proustienne…

L’approche est effectivement très inattendue. Comme je l’explique clairement dans le livre, Marcel Proust n’était pas connu pour être un amateur de vins. Reste que cette citation est porteuse de sens, à plus d’un titre. La recherche du détail, de la sensibilité esthétique ou encore de la mémoire chez Proust rappelle immanquablement l’univers du vin. Le développement de mon texte suit : il n’est que le commentaire de cette affirmation.

La musique est également très présente dans vos réflexions…

Oui, il se trouve que M. de Villaine est un grand amateur de Marcel Proust certes, mais aussi de musiques classiques. Nous en avons longuement parlé lors de notre dernier entretien. S’il est, dans les faits, assez difficile de rapprocher la musique du vin, cette métaphore file souvent. Et pour cause. Çà et là des ponts existent, mais mieux vaut s’en tenir à des allusions sur le sujet. À être trop précis, on risque le contresens.

De très jolies photographies et œuvres accompagnent également votre propos. Comment avez-vous travaillé avec les artistes en question ?

Ce fut une autre partie passionnante de ce projet. Après un brief complet, la photographe, Dorine Maillot, a très vite su saisir l’esprit proustien. Idem avec l’artiste Edwin Mac Gaw. Je lui ai adressé toute une série de recommandations basées sur les créations du peintre Claude Monet et du couturier Mariano Fortuny, dont les robes faisaient rêver Marcel Proust. Il en ressort des œuvres très texturées, entre finitude et infinitude. Des paysages de rêve en somme.

Vos réflexions s’achèvent sur des données beaucoup plus pratiques…

À l’écriture de ce livre, et en droite ligne avec nos précédentes parutions, j’aspirais aussi à une forme de concision. Je voulais que le lecteur puisse rapidement trouver des informations utiles sur le domaine. Je pense à ses dates clefs et aux caractéristiques techniques de ses terroirs : surface, âge des vignes, exposition… Les unes comme les autres figurent donc de manière très claire à la fin de l’ouvrage. C’est une vraie plus-value à mon sens par rapport aux autres livres consacrés à la Romanée-Conti.

Et demain ?

Deux nouveaux ouvrages sont en cours. Le premier, qui sortira à la fin de cette année ou au début de la suivante, porte sur Lydia et Claude Bourguignon, deux éminents spécialistes du sol, à la tête du domaine Laroque d’Antan, dans le Sud-Ouest. Le second, lui, donnera la parole à des vigneronnes sur leurs convictions, leurs pratiques…