Après une première vie professionnelle à l’étranger, sans plan de carrière particulier, il rejoignait Paris et, de fil en aiguille, L’Atelier du Vin. Cette entreprise familiale millésimée 1926, son père, Pierre, l’avait développée avec succès, multipliant les créations d’accessoires du vin, avec le souci de la fonction à l’esprit. Lui a repris le flambeau, la joie en tête. Explications.
Comment avez-vous rejoint L’Atelier du Vin ?
Qu’ils le veuillent ou non, les enfants baignent dans l’entreprise familiale. Dans notre cas, ma sœur, mon frère et moi étions emmenés çà et là, après l’école, durant le week-end… Il m’est arrivé des dizaines de fois, par exemple, de me retrouver, petit, sur des salons en France ou ailleurs. Plus tard, lorsque j’étais davantage en âge de prendre mes propres décisions, j’ai préféré commencer par travailler dans le luxe, à Hong Kong notamment, au gré d’un MBA. De retour à Paris, je me suis assez naturellement installé dans les bureaux de L’Atelier du Vin, pour continuer à baigner dans un univers professionnel. Mon père m’a proposé de l’accompagner à quelques rendez-vous et, petit à petit, sans arrière-pensée, j’ai intégré l’entreprise, principalement sur des fonctions commerciales, en France, avant de me concentrer sur l’international et de finir par la diriger…
Comment créez-vous vos accessoires ?
Mon père a toujours été au cœur de la création. Dans un avion, dans sa voiture, à un arrêt de bus…, il passait son temps à « crobarder ». Ce n’est pas mon cas. Je n’ai pas ces compétences-là. J’ai dû repenser notre façon de fonctionner. Aujourd’hui, à la demande, au gré de nos projets, j’ai donc davantage recours à des designers de tous bords… Des freelances, dont certains nous sont fidèles depuis des années. Tant et si bien que nombre de nos créations ne sont pas 100% signées du Studio L’Atelier du Vin. Pour le reste, notre ADN reste le même…
Votre ADN reste le même, mais votre marché de destination et donc votre communication ont évolué…
Oui, c’est le segment des cadeaux que nous visons désormais. Cela implique deux choses. D’une part, de créer des collections d’articles pour faire plaisir, plutôt que des mono-produits répondant à un unique besoin. D’autre part, de revoir notre discours. Pendant très longtemps, notre communication portait essentiellement sur la qualité de la conception et de la réalisation de nos produits. Nous continuons à nous y employer bien entendu, avec force et détermination ; à une différence près : nous ne le disons plus. Nous verrons ce que l’avenir nous réserve, mais nous estimons, sans prétention aucune, que le sérieux de L’Atelier du Vin est d’une certaine façon acquis, que notre marque a, de ce point de vue, gagné la confiance de nos clients. Ce qui nous porte aujourd’hui, c’est la valeur perçue de nos créations, l’émotion qu’elles procurent. Nous parlons donc davantage de plaisir, de partage, de mémoire de la dégustation… Tout ce qui participe de cet art de vivre à la française.
Quels sont les produits qui vous paraissent symptomatiques de ce nouveau regard ?
Ils le sont tous. Spontanément, je pense au tire-bouchon « Le Vigneron » et au décapsuleur « Le Brasseur ». Cette ligne de deux produits, dessinés par Marc Venot, semble d’une simplicité totale. Pourtant, elle a demandé plus de 3 ans de recherches et de développements. Sur nos différents supports, nous ne disons rien ou presque de leur technicité ou de leur robustesse, pour privilégier la bonhommie de leur silhouette et leur facilité d’utilisation. Plus récemment, nous avons lancé « Le Plateau ». Une tabletterie, avec tiroirs et accessoires, permettant de mettre en scène un moment de dégustation. Là encore, dans notre communication, nous faisons très peu état de la conception à proprement parler, préférant aborder l’aspect théâtral de cet objet et les émotions qu’il invite à partager.
Qui sont vos acheteurs ?
Nos ventes se font à 35% en France contre 70% auparavant, essentiellement au bénéfice des États-Unis et de l’Asie, en particulier la Chine. Les Américains sont très cadeaux. Leurs retailers spécialisés dans ce type d’offre ont vu d’un bon œil notre repositionnement. Les Chinois, eux, sont, à leurs manières, très attentifs aux usages, au fait par exemple qu’un tire-bouchon de type sommelier s’utilise dans telle situation, un bilame dans telle autre… Idem pour les carafes ou les verres. De sorte que notre signature « Rituals for connoisseurs » leur parle.
Et l’aménagement dans tout ça ?
C’est notre seconde activité, celle d’Architecture Intérieure du Vin. Dissociée de L’Atelier du Vin, cette entité, plus récente, s’adresse aussi bien aux professionnels qu’aux particuliers. Les premiers pour théâtraliser leur cave, les seconds pour se faire plaisir. Parmi les réalisations les plus notables, nous avons par exemple aménagé les chais du Château de la Gaude à Aix-en-Provence. Ces solutions d’aménagement sont livrées à plat ; leur modularité est sans égal, grâce à un quarantaine d’options possibles ; et leur durabilité notable puisque conçues en acier, le matériau recyclable et indestructible par excellence, et en bois massif, issu de forêts françaises éco-gérées.
Mêmes engagements sur les produits signés L’Atelier du Vin ?
Bien sûr, malgré une offre assez large, nous recourons, dans l’ensemble, à un nombre très limité de matériaux. De la même façon, nous privilégions des packagings de petite taille, en matières recyclées, pouvant être réutilisés tels que, par la suite. Nous sommes aussi très soucieux de la réparabilité et, au-delà, de la durabilité de nos produits. L’Atelier du Vin Care permet ainsi d’étendre à vie notre garantie de services après-vente et de réparation.
Confiance, plaisir d’offrir, durabilité… : L’Atelier du Vin doit intéresser de nombreuses marques, non ?
Elles viennent effectivement toquer à notre porte. Et comme nous le faisons savoir, puisque nous n’intervenons pas en marque blanche, d’autres nous sollicitent à leur tour pour de nouvelles collaborations. Deux me viennent en tête. Paul Smith, d’abord. Nous sommes présents dans toutes les boutiques de la marque dans le monde, à travers des pochettes en cuir à ses couleurs, renfermant une sélection de nos accessoires. Plus localement, la maison Albert Bichot nous a sollicités pour réaliser des tire-bouchons personnalisés, à partir de ses douelles de fûts de Mazis-Chambertin Grand Cru « Cuvée Madeleine Collignon » 2020 du domaine des Hospices de Beaune. Mais, il y a aussi Paris Society, Netflix…
Et pour demain, quels sont vos projets ?
L’Atelier du Vin aura 100 ans en 2026. Pour tout vous dire, je n’ai pas beaucoup avancé sur le sujet. Rien que de l’évoquer me donne la boule au ventre. Donc, c’est notre principal défi pour les semaines, les mois à venir : créer un ou des produits qui fassent sens et marquent les esprits, sans pour autant être une usine à gaz. Ce sera l’occasion pour nos clients de nous retrouver, sous un nouveau jour, comme vous le faîtes là.