Rencontre avec Mateo Zielonka, chef

En à peine 11 ans, cet autodidacte complet s’est fait un surnom, « The Pasta Man », et plus de 812 K abonnés sur son compte Instagram. À Londres, dans le quartier de Soho, « son » restaurant 180 The Strand ne désemplit pas. À l’occasion de la sortie en France de son second livre Pasta Masterclass, retour avec ce chef hors normes sur son ascension fulgurante et, au-delà, sa passion pour les pâtes…

Comment êtes-vous venu à la cuisine ? En Pologne, votre pays d’origine, vous cuisiniez déjà, enfant ?

Pas vraiment. Même si j’ai toujours été porté par la nourriture, je ne cuisinais pas ou peu. À 17 ou 18 ans, j’ai commencé à regarder Les Soprano. Plus que l’Amérique ou les histoires de mafia en toile de fond, j’étais captivé par toutes les scènes de repas, au restaurant ou en dehors. Au point que mon frère m’a offert le livre de recettes tiré de la série. Reste qu’à cette époque, je vivais encore en Pologne. La plupart des ingrédients requis étaient introuvables chez nous… Non, il a fallu que je me rende en Angleterre pour sauter le pas. Lorsque j’avais 22 ou 23 ans, j’y ai rejoint mon meilleur ami, pour les vacances. Au bout de 2 jours sur place, on me proposait un job de plongeur. « Et si je changeais de vie !? » J’étais alors assistant personnel d’hommes d’affaires et autres personnes influentes. J’ai démissionné et c’est là que mes aventures en cuisine ont commencé : côté plonge, il y a 11 ans maintenant.

Passer de la plonge aux pâtes n’a pas dû se faire en un coup de baguette magique…

Non, effectivement. J’ai enchaîné les postes, dans différents établissements, apprenant le métier, petit à petit, d’année en année. Jusqu’à ce que, il y a plus de 7 ans environ, l’occasion de réaliser un plat de pâtes fraîches se présente. Une première pour moi. J’ai adoré. Préparer une pâte, la façonner… Le process est tellement incroyable. Sans parler du goût ! Cette expérience m’a marqué, profondément. Je me suis mis à en faire à la maison. De manière quasi obsessionnelle. Je travaillais le jour, m’entraînais le soir et postais. J’avais créé un compte Instagram. Je voulais partager mes tribulations dans le monde des pâtes fraîches, avant de décider que ce serait là mon métier, mon quotidien.

Pourquoi la pasta vous plaît tant ?

Réaliser une pâte et lui donner forme apaisent. Un peu comme faire du pain ou même jardiner. Vous avez les mains dans ce mélange de farine, de semoule fine et d’œufs, vous ressentez sa texture… C’est très reposant. Et puis, à la maison, en cuisine, entre amis ou en famille, c’est toujours un moment sociable, de partage, de transmission, qui laisse des souvenirs gravés. Ajoutez à ça, une infinité de formes et de couleurs, autant de sauces et de saveurs différentes… Je ne m’en lasse pas. Je veux faire des pâtes toute ma vie !

Vous dîtes devoir aller en Italie pour apprendre : vous y allez si souvent que ça ?

Je me suis rendu en Italie trois fois, pour l’instant. J’y ai appris à réaliser quelques formes de pâte auprès de nonnaitaliennes. C’était très réjouissant. Je me souviens notamment de cet ancien pastificio, une affaire familiale où de vieilles dames m’ont enseigné l’art des agnolini mantovani après que je leur ai montré, à mon tour, une préparation qu’elles ne connaissaient pas. Moi, qui ne suis pas italien, de 50 ans plus jeune qu’elles… De grands moments !

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

En matière de pasta, toutes les cuisines ont leur mot à dire : italiennes bien sûr, mais aussi japonaises, chinoises, françaises, polonaises, sud-américaines… À chacune ses pâtes ! Et puis, des saveurs peuvent çà et là retenir mon attention, au cours d’un repas, au restaurant ou ailleurs. La nature aussi m’inspire beaucoup, tout comme l’art. Pas forcément sur le moment mais, le lendemain d’un dîner ou d’une exposition, je peux me réveiller avec l’idée de réaliser telle ou telle recette…

Pourquoi ce second livre ?

Le premier, paru il y a deux ans, était très ludique, très coloré… Le ton était assez léger. Celui-ci est plus complet. Il entre davantage en profondeur dans le sujet. Il est riche d’explications, de conseils, de QR codes renvoyant à des vidéos… Une multitude de formes, de sauces, sont abordées… C’est pour ça que je l’ai intitulé Pasta Masterclass

Tous ces enseignements, ces tips, laisseraient presque à penser que faire de bonnes pâtes n’est pas donné à tout le monde… 

Je ne crois pas non. Le process reste simple. Le plus important est d’utiliser les bons ingrédients et de pratiquer. On se perfectionne vite, on gagne en confiance… Et puis, faire des pâtes ce n’est pas pâtisser. On peut réutiliser les chutes, on peut conserver des pâtons pour les retravailler plus tard… : il y a davantage de souplesse.

Si vous aviez quatre conseils à donner ?

D’abord, de bons ingrédients. C’est la base. L’essentiel. Ensuite, il est primordial de couvrir la pâte fraîchement réalisée, dans un récipient hermétique par exemple, pour éviter qu’elle ne s’assèche. Pensez aussi, comme je le disais juste avant, à garder les chutes : vous en ferez des maltagliati. Enfin, les pâtes se prêtent bien au batch cooking. Vous pouvez parfaitement congeler des pâtons et les façonner plus tard. Les ravioli aussi supportent très bien la congélation. Avec les pâtes, il y a mille façons d’éviter le gaspillage et de vous faciliter la vie.

Quelles sont les recettes de votre livre qui vous parlent en ce moment ?

J’aime beaucoup mes malfatti, des boulettes de pâte fourrées à la ricotta, servies dans une sauce tomate mijotée. En cette saison, il faudrait juste remplacer les épinards par des blettes. Servir des pâtes dans un bouillon de parmesan, in brodo, me porte tout autant. On a souvent tendance à jeter la croûte de ce fromage. C’est dommage : elle suffit à parfumer un simple bouillon de légumes dans lequel cuire des pâtes fraîches, comme des sorpresine ou des tortellini. Je suis aussi dingue de ma ‘nduja végétarienne, une alternative à cette sauce italienne emblématique, traditionnellement à base de porc et de piment, proposée ici sans viande et avec de la crème d’avoine en lieu et place du mascarpone. Et puis, tout le monde plébiscite mes tagliarini dont l’eau de cuisson délaie un mélange de ricotta, zestes de citron et épinards. À la clef, une sauce toute simple et délicieuse…