Rencontre avec Antoine Schvartz, cofondateur de Sydonios

En 2018, cet ancien courtier en crus classés de bordeaux co-fondait la maison de verres à vin Sydonios. Ses créations soufflées-bouche se sont imposées, depuis, en Champagne et dans le Bordelais, avant de gagner l’international. Retour avec lui sur cette reconversion, l’approche menée et les projets à venir…

Comment est né Sydonios ?

Courtier en vins pendant quatre ans, en contact permanent avec les grands noms du Bordelais, j’ai senti, petit à petit, poindre une demande pour des verres légers, fins et précis. Il y a 6 ans, cette offre n’existait tout simplement pas. Baptiste Larbre, mon associé, issu, lui, du monde des assurances, et moi nous sommes lancés…

Le pari était osé, non ?

Quand vous avez 28 ans et un peu de vent dans le dos après des expériences très positives, vous ne vous posez pas vraiment ce genre de questions. Vous foncez. C’était plus de la folie que du courage. Nous avions très certainement sous-estimé les difficultés qui se présenteraient. Et, tant mieux ! Sinon, nous n’aurions rien fait !

Concrètement, comment vous y êtes-vous pris ?

Diplômés de Sciences Po Paris, Baptiste Larbre et moi n’avons, il faut bien le reconnaître, aucune expertise en verrerie. Il n’était donc pas question de décider de nous-mêmes quels verres fabriquer précisément. De la même façon, il ne nous paraissait pas très habile de demander à un sommelier de dessiner « son » verre idéal et de le commercialiser. Non, avec zéro moyen en poche, nous avons opté pour une solution plus sérieuse à nos yeux : une étude scientifique particulièrement poussée concernant l’impact des verres sur la dégustation. Dans un premier temps, Baptiste et moi sommes partis à la rencontre d’une cinquantaine de vignerons de renom, pour les interroger. Je me souviens de discussions passionnantes, notamment chez Drappier… Leurs retours d’expériences et l’ensemble des articles scientifiques à disposition nous ont permis de réaliser 7 verres. Dans un second temps, une centaine de professionnels du monde du vin ont testé ces créations, autour de 6 vins volontairement très contrastés. Seuls les 2 verres les mieux notés ont été retenus.

Aujourd’hui, votre offre compte 2 gammes différentes de 3 verres chacune : quelle est sa spécificité ?

Chez Sydonios, nous ne parlons pas de verre à bourgogne, ni même de verre à vin blanc… Notre démarche scientifique et, au-delà, nos échanges avec les vignerons et sommeliers ont mis en lumière trois typicités sensorielles majeures des vins. Indépendamment de leur zone d’origine, la majeure partie d’entre eux entre dans l’une de ces catégories : les vins puissants et tanniques, ceux sur la minéralité et, enfin, ceux à structure fine. À chacun, ses verres Sydonios : Le Méridional et L’Esthète pour les premiers, Empreinte et L’Universel pour les seconds, Le Septentrional et Le Subtil pour les troisièmes.

Chaque typicité sensorielle des vins appelle une forme unique de verre ?

Non, c’est là toute la magie de cet univers. Un fabricant pourrait très bien réaliser des verres dits de Bourgogne parfaitement adaptés à des vins puissants et tanniques. Dans ce domaine, les contours n’importent pas tant que ça. La donnée essentielle reste le ratio entre le diamètre d’ouverture du verre et son diamètre le plus large. En dehors, tout ou presque est possible.

Qui sont les clients de Sydonios ?

Il y a les particuliers amateurs de vins, répartis un peu partout dans le monde – nous exportons notre offre dans 36 pays -, les restaurants gastronomiques et les vignerons. Tous n’ont pas les mêmes attentes. De manière générale, certains clients, pour des raisons purement esthétiques, plébiscitent les verres de grande taille. Forts de ce constat, nous avons créé 2 gammes : Racine, aux contenants médium, et Terroir, aux verres plus volumineux. Dans le détail, les restaurateurs sont particulièrement sensibles aux arts de la table, et donc aux lignes de leur verrerie. Les femmes et hommes du vin, eux, réclament surtout de la précision. Les verres produits doivent retranscrire le plus fidèlement possible le travail accompli dans les vignes et au chai.

Cette quête de précision explique-t-elle le choix du soufflé-bouche plutôt que de la fabrication mécanique ?

Le soufflé-bouche offre une liberté totale en termes de forme. Alors que « le mécanique », même s’il a fait des progrès ces dernières années, reste dépendant de la machine et de ses contraintes. Il s’agit là de détails certes, mais de ceux qui font la différence. Comme dans l’élaboration des vins…

Justement, comment s’organise la production ?

Sydonios a été créé avec l’appui d’un partenaire verrier de République tchèque, en Bohème. C’est là qu’historiquement est concentré le savoir-faire requis. Mus par l’envie de fabriquer français, nous avons eu la folle idée d’importer ces techniques et process. Un vaste chantier. Il a fallu plus de 3 ans pour réaliser ce projet. Depuis septembre dernier, la production de tous les verres destinés au marché français est assurée à Lille. Une fierté. Là encore, ça nous rapproche des vignerons : la production, c’est de l’humilité au quotidien. Ils ont régulièrement leurs lots de problèmes. Nous aussi.

Il y a beaucoup de « casse » ?

Disons que, à notre niveau d’exigences, 50% de la production est impactée par un défaut. Avec le coût de l’énergie actuel et celui de la main d’œuvre qualifiée, faire refondre ces verres « imparfaits » n’a pas de sens. Nous avons, nous, eu l’idée de les commercialiser, à moindre prix, sous le nom de gamme U.B.A. pour Unperfect But Amazing. Il est difficile d’innover dans le monde du verre. Nous avions une petite frustration de ce côté-là…

Et demain ?

Stabiliser le site de production de Lille s’impose. De nouveaux process doivent être mis en place pour l’optimiser davantage. À côté de cela, notre gros sujet du moment est le marché américain : un vrai enjeu commercial pour nous…