Rencontre avec Gilles et Nicolas Verot, auteur de Terrines, feuilletés et pâtés croûte avec des légumes

Après un premier livre écrit en commun, les père & fils charcutiers de la Maison Verot signent un second ouvrage gourmand. Sous leur plume, 100 recettes au goût de l’époque, tels les pâté tomate & poulet, feuilleté orange & châtaigne, rillettes grenade & cochon et pâté croûte butternut & canard, mariant pour le meilleur charcuterie et saisonnalité. Voilà qui méritait bien une interview croisée…

Nos sociétés se passionnent pour la gastronomie. À la télévision, au cinéma, à la radio, sur les réseaux sociaux, elle est portée aux nues… Qu’est-ce que cette « foodmania » vous inspire ?

G. V. : J’ai débuté en 1983. Les charcutiers-traiteurs n’étaient alors pas aussi reconnus du grand public. Le métier ne faisait pas vraiment rêver. Si bien que les affaires restaient familiales, seuls les enfants reprenaient. Aujourd’hui, la donne a changé. De Paul Bocuse à Cyril Lignac, l’envol de la gastronomie et sa médiatisation ont porté à leur tour notre profession. Car, nous faisons partie intégrante de la cuisine. La charcuterie en est une spécialité…

Qu’est-ce que ces coups de projecteur sur la cuisine, et donc la charcuterie, ont changé pour vous ?

G. V. : Presque tout. Nous étions des charcutiers de tradition et nous voilà désormais Catherine, ma femme, mon fils, Nicolas, et moi à la tête d’une charcuterie que nous voulons contemporaine. Notre héritage reste présent, puisque les fromages de tête, boudin noir et autres rillettes figurent toujours en bonne place sur les étals de nos six boutiques à Paris, mais l’époque, notre proximité avec les chefs, nous ont convaincus de la nécessité d’être encore plus exigeants, ouverts, à l’écoute et donc inventifs, avec de nouvelles recettes ou réinterprétations… Notre médiatisation, si elle nous flatte à l’évidence, nous oblige aussi : nous n’avons pas le droit à l’erreur. Seule l’excellence est de mise.

Communiquer davantage s’est également imposé à vous. En 2012, vous sortiez votre  livre, Mes secrets de charcutier, suivi quelques années plus tard d’Un charcutier dans ma cuisine

G. V. : Tout à fait, c’était avant que Nicolas nous rejoigne. L’un comme l’autre, avec leur répertoire de recettes très traditionnelles, sont les reflets d’un autre temps.

Très loin donc de l’approche plus contemporaine de Terrines, rillettes, saucisses & pâtés croûte, co-écrit avec votre fils en 2020. Un vrai succès. Comment l’expliquez-vous ?

G. V. : Avec ce nouvel ouvrage, le premier en commun, nous avions vraiment voulu faire entrer la charcuterie dans les cuisines de Monsieur et Madame Tout-le-Monde.

N. V. : L’accessibilité était – et reste – notre ligne directrice. D’abord, dans les ingrédients choisis. Pas question d’avoir recours à des produits difficiles à trouver et à n’utiliser, de surcroît, qu’une à deux fois seulement dans sa vie. Le matériel requis ensuite : il était capital pour mon père et moi de le limiter au maximum. De manière schématique, avec un couteau, un saladier et un moule à cake, plus de 95% des recettes de ce livre – comme du suivant d’ailleurs – sont réalisables. On a même réussi à trouver un système pour préparer ses propres saucisses sans poussoir ! La terminologie enfin. Là encore, nous avons veillé à adapter notre lexique, de façon à ce que notre discours soit intelligible par tous.

G. V. : Une autre raison à mon sens du succès rencontré, c’est notre complémentarité. Nicolas et moi n’avons pas le même âge ni la même approche. Lui, après 3 à 4 ans de métier, avait un regard encore neuf et cette volonté d’accessibilité ; là où moi, du haut de mes 40 ans d’expérience, je me posais davantage en gardien des traditions. Résultat ? Des recettes abouties et réalisables par tous.

Et ce, d’autant plus que vous avez pris la peine de les faire tester en amont par des cuisiniers amateurs…

N. V. : Voire des personnes qui ne cuisinaient pas ou très très peu ! Nous voulions tordre le cou à cette idée reçue dans l’édition culinaire que, si un lecteur n’arrive pas à réaliser correctement telle ou telle préparation, c’est qu’il est passé à côté de quelque chose. Non. Ce n’est pas lui le responsable. De notre point de vue, si erreur il y a, c’est que nous, auteurs, n’avons pas été suffisamment pédagogues. Nous avons l’obligation de nous adapter aux lecteurs et non l’inverse.

Fort de cette approche, vous venez de sortir un tome 2 en quelques sortes, intitulé Terrines, feuilletés & pâtés croûte avec des légumes. Quel était le point de départ de ce nouveau livre ?

G. V. : Nous n’imaginions pas, à l’origine, réaliser un « tome 2 » comme vous le dites. Un livre aussi proche en termes de structure que notre précédent ouvrage. Nous voulions surtout parler de charcuterie de saison, et donc de légumes.

N. V. : Nous étions très contents du premier livre réalisé avec les éditions Chêne. Avec ce second opus, l’approche devait rester identique. Il n’était pas question de perdre nos lecteurs. En revanche, nous tenions à changer de thématique. Mon père ne le dira pas mais, dès le début des années 2000, il a été l’un des tout premiers à introduire la notion de saisonnalité en charcuterie au gré de collections. Ce sujet s’imposait donc à nous. C’était une évidence que de le proposer à notre éditeur. Par la suite, le choix a été fait de parler de légumes plutôt que de saison, mais c’est sensiblement la même chose. Hiver, printemps, été et automne impactent surtout les végétaux. De manière générale, les viandes sont moins touchées. On peut avoir du cochon toute l’année. Ce n’est pas le cas des champignons par exemple…

Dans ce nouvel ouvrage, vous avez donc opté pour une autre thématique, mais encore ? L’approche diffère-t-elle ?

N. V. : Notre souci d’accessibilité demeure intacte. En revanche, nous avons voulu offrir la possibilité à nos lecteurs d’aller plus loin s’ils le souhaitent, de varier les plaisirs et les techniques. Sur les pâtés croûte, différentes alternatives sont proposées pour se perfectionner davantage, au hachage par exemple ou sur les dorures destinées à faire briller la pâte.

G. V. : Et puis, c’est un détail, mais nous avons poussé un peu plus loin encore le curseur des testeurs. Chaque recette a le sien. Ça a été un énorme travail, mais tellement nécessaire et utile…