Rencontre avec Alina Gurdiel

À la tête de l’agence de communication éponyme, elle accompagne les auteurs, artistes, écrivains, festivals et prix littéraires les plus en vue. Pour l’Athenaeum, elle revient sur les tenants et les aboutissants d’une activité particulièrement exposée en ces temps de rentrée littéraire.

Comment êtes-vous devenue conseil en relations presse auprès d’auteurs ?

Pendant une vingtaine d’années, j’ai cumulé les expériences au sein des services de communication de grandes maisons d’édition : Seuil, Flammarion, Grasset… Suffisamment pour créer en 2017 ma propre structure, afin d’accompagner les auteurs ainsi que divers festivals et prix littéraires. Car, si les éditeurs disposent de départements dédiés, ils apprécient çà et là, en faisant appel à un prestataire extérieur, de pouvoir décharger leurs équipes et/ou de mettre le focus sur un livre donné, et ce d’autant plus qu’ils m’ont clairement identifiée comme une spécialiste de la fiction.

Du coup, les écrivains viennent à vous ? À moins que ce ne soit l’inverse…

Non, je ne les sollicite jamais. Cela ne fonctionnerait pas je pense. Dans mon cas, après que certains auteurs avec lesquels je travaillais de longue date, comme Frédéric Beigbeder, Charles Dantzig, Dominique Bona ou encore Adrien Goetz, aient décidé de me suivre, d’autres leur ont emboîté le pas, très vite, via leur maison d’édition.

En quoi la rentrée littéraire est-elle si importante ?

C’est un moment décisif dans l’année et une véritable exception française. Il n’existe nulle part ailleurs, je crois, une telle période marquée chaque année par l’attention particulière que portent les médias à la littérature et ponctuée par la remise de prix entre fin octobre et début novembre. De fait, elle mobilise les auteurs, les éditeurs mais aussi le grand public qui voit là une forme de repère.

Comment la préparez-vous ?

En la matière, il n’existe pas de solution miracle. Dès le mois de mai, voire avant, lorsque mes contacts me sollicitent pour m’occuper de tel ou tel écrivain, je commence par lire l’ouvrage concerné. Il faut que je me sente à l’aise avec les textes à défendre. Si c’est le cas, mon travail consiste alors à entrevoir quel média, quel journaliste pourrait apprécier l’œuvre en question et donc la mettre en avant. En parallèle, l’agence mène diverses actions de communication via les réseaux sociaux ou, par exemple, nos newsletters afin de promouvoir les livres de la rentrée dont nous avons la charge.

L’impact des médias sur les achats de livres est patent ?

À l’évidence, oui ! Bien sûr, vous aurez toujours des contres exemples, des livres qui rencontrent un véritable succès sans aucune ou très peu de médiatisation. Mais, ces phénomènes sont rares… Dans un contexte général de baisse des ventes de la littérature, la presse, la télévision, la radio, mais aussi les réseaux sociaux, les libraires… restent des relais essentiels. Une bonne émission sur France Inter, France Culture ou RTL génère des volumes d’achats conséquents dans les heures et jours qui suivent. Toutefois, fait nouveau, là où il y a quelques années une seule programmation suffisait pour lancer la machine ; aujourd’hui, un plan média plus massif s’impose.

Comment l’expliquez-vous ?

Il y a certes de très nombreux livres qui sortent en même temps à la rentrée, mais aussi beaucoup de canaux, énormément d’informations et, face à cela, un public très dispersé. Les jeunes, par exemple, ne lisent pas la presse classique de leurs ainés, et lui préfèrent les réseaux sociaux. Il nous faut donc aller chercher tout le monde, partout, pour faire boule de neige.

Une tâche d’autant plus complexe que la gestion des auteurs ne doit pas toujours être aisée…

Dès le mois d’août, les écrivains rencontrent leur public en librairie, lors de festivals et sur des émissions. À chaque fois, nous veillons à les accompagner sur ces évènements. Une période assez intense. Pour nous, bien sûr, mais aussi pour eux. Certains bénéficient alors de premiers retours. C’est le cas, en ce moment, pour Maria Pourchet et son livre Western. Elle vient de faire la couverture de Télérama et d’avoir une pleine page dans Le Point. D’autres, en revanche, restent dans l’incertitude. Et cela peut durer, car la rentrée est longue jusqu’en novembre et, avec la sortie simultanée d’environ 500 fictions, les places sont chères. Il nous appartient donc de répondre présent en épaulant aux maximum les auteurs durant ces quelques mois capitaux.

Justement, quels sont les principaux livres que vous défendez durant cette rentrée littéraire 2023 ?

Je viens d’en parler : Western de Maria Pourchet s’annonce d’ores et déjà comme l’un des phénomènes de cette rentrée. Mais, il y a aussi Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea, un très beau roman de pure fiction ; Les silences des pères de Rachid Benzine, aux premiers retours prometteurs ; Les heures heureuses de Pascal Quignard, qui a déjà reçu le prix de la BNF et celui de Formentor ; Hôtel de la folie de David Le Bailly, un récit autobiographique poignant ; Le passant du Bowery de Clément Ghys ou le récit littéraire d’une Factory bis de New York ; Nos destins sont liés de Walid Hajar Rachedi publié par Emmanuelle Collas, une éditrice très engagée, faisant émerger des voix d’un peu partout dans le monde ; et Tasmania de Paolo Giordano, l’histoire d’un quarantenaire déboussolé dans notre monde actuel.