Rencontre avec Clément Bénech

Le 22 juin prochain, le journaliste et auteur sera à l’Athenaeum pour une rencontre & dédicace autour de son dernier roman : Un vrai dépaysement. L’occasion de revenir avec lui sur l’histoire du futur professeur Romain d’Astéries, en soif d’exotisme, parti pour mettre en pratique ses idéaux en Guyane et affecté en… Auvergne.

L’altérité est le fil rouge de votre nouveau roman. Elle est la raison pour laquelle votre héros souhaite à tout prix quitter les siens. Il ne supporte plus cet entre-soi…

Dans un roman, les intentions importent moins que dans un essai. Le début, le milieu et la fin peuvent changer. En l’occurrence, cet ouvrage a connu trois versions, très différentes. L’appartenance était initialement son thème principal. Et puis, au fil du temps et des réécritures, j’ai jeté mon dévolu sur Romain d’Astéries. Ce professeur est devenu le personnage clef de mon livre. Avec lui, la question de l’altérité s’est petit à petit invitée…

L’autre arc narratif de votre livre fait écho à un sujet d’actualité : l’opposition entre une éducation traditionaliste et une autre plus expérimentale, plus positive. Pourquoi ce sujet ?

Là encore, il n’y avait rien de prémédité. Un livre s’apparente à un mur de vieilles pierres. Une fois terminé, bien qu’il soit parfaitement plan, ses pierres, de tailles et de formes différentes, ressortent. Cette problématique sur l’éducation est donc venue plus tard, au fur et à mesure que la thématique de l’altérité s’imposait. Un dialogue entre Romain d’Astéries et Henri Regamey le résume clairement, dès le début du roman, ce dernier lançant à son ami : « Autres mœurs, autres latitudes, autre pédagogie… En fait, tu es altérophile ! » Romain est porté par tout ce qui est autre. Y compris en matière d’enseignement.

Contrairement à ce que pourraient laisser croire ces hautes idées que sont l’altérité et la pédagogie positive, votre livre se révèle pour le moins comique. Bercé d’idéaux, votre héros se trouve très vite confronté à une réalité qui le dépasse…

À mon sens, la littérature a tout à voir avec la désillusion. Au départ, il y a toujours un pré-récit, une pré-image qui vont ensuite se fracasser. S’agissant d’une comédie, j’ai voulu user de ce ressort comique très répandu, consistant à pousser un idéalisme à son paroxysme de manière à ce qu’il se heurte avec fracas à l’âpreté de la réalité. Soit, d’un côté, les idéaux d’un jeune professeur et, de l’autre, la longue expérience d’une principale de collège.

Au final, votre héros finit par revoir sa copie. Est-ce à dire que cette altérité tant souhaitée est, à bien des égards, illusoire ?

Disons plutôt qu’en Auvergne, elle ne cadre pas avec son idée à lui, très préconçue, du dépaysement. Romain d’Astéries refuse ainsi toutes les distractions que lui propose son logeur Monsieur Grange. Pas question par exemple de se prêter à une séance d’affinage de saint-nectaire dans un tunnel SNCF désaffecté des environs. Non, lui exige une altérité à la carte, qui réponde à ses attentes.

La quête de l’autre amène le voyage. Une fois de plus, ce thème s’invite dans votre livre…

Tout comme l’autre ou encore l’exotisme, le voyage m’interpelle effectivement, encore, toujours. Au point de hanter la plupart des personnages de mes romans. J’ai grandi dans une époque qui croyait fermement en l’hégémonie des démocraties libérales et, avec elle, du modèle américain. La crainte d’une disparition de l’ailleurs s’est faite alors jour. Si je ne reprendrais pas à mon compte cette hypothèse, je ne peux m’empêcher de constater une certaine uniformisation des cultures, en Europe tout du moins. Mais, peut-on demander à l’autre de rester autre ? C’est un peu la question que soulève Romain Gary dans Les racines du ciel. À son héros idéaliste, bien décidé à sauver les éléphants d’Afrique, l’auteur oppose des autochtones désireux avant tout de profiter enfin de la société de consommation. Ce paradoxe m’intéresse…

Et demain, votre prochain livre ?

Ce ne sera pas un roman, mais sans doute des textes courts sur des ancêtres, des écrivains, des chanteurs que j’apprécie. Là encore, il devrait être question de dépaysement, chacun d’eux étant lié à lieu, une époque, une culture.