Rencontre avec Alicia Dorey et Goulven Le Pollès

La semaine prochaine sortira Tour de tables. Un guide de plus 80 adresses confidentielles que ce couple de journalistes vin et gastronomie a accepté de partager. Mieux, l’un et l’autre seront présents ce 25 mai à l’Athenaeum pour une rencontre suivie de dédicaces. Petite interview en guise de mise en bouche.

Comment est née l’idée de ce guide ?

A. D. : Travaillant tous les deux, de longue date, comme critique gastronomique, nous nous sommes rendus compte que, chacun de notre côté, nous avions en stock toute une série de tables qui échappaient aux guides consacrés. Des adresses adorées, incarnées, que nous préférions garder pour nous plutôt que de les dévoiler. Cela arrive à tout le monde ! Mais, dans notre cas, compte tenu de notre métier, la liste devenait longue. D’autant que les chefs, sommeliers ou vignerons rencontrés au gré de nos reportages nous confiaient eux aussi leurs tables secrètes. De là à en faire un guide… Parmi les centaines d’adresses évoquées, nous avons choisi d’en présenter 82, après avoir sillonné la France pour les retester.

G. L. P. : Que du bouche-à-oreille donc ! De ces adresses que les professionnels se passent sous le manteau à condition de n’en parler à personne. De celles qui font « Waouh ! », avec l’envie d’y revenir encore et encore.

Au-delà de l’assiette, du verre et du service, sur quels critères avez-vous sélectionné ces 82 adresses ? Le prix ? La déco ?…

G. L. P. : Certainement pas l’esthétique. Les salles manquent çà et là de style, certaines assiettes ne sont pas toujours joliment dressées, mais là n’est pas l’essentiel. Comme le disait très justement Alicia, les lieux choisis sont avant tout incarnés. Tour de tables ne compte pas non plus de restaurants chers, ou très peu. Il n’y a qu’un seul triple étoilé : Le Clos des Sens, à Annecy. S’il figure là, c’est qu’il est incontournable à nos yeux, en raison d’une fabuleuse carte des vins, qui plus est, accessible. Loin de nous donc l’idée de vouloir réaliser un guide élitiste. Au contraire, cet ouvrage est destiné à tout le monde. Aussi bien les amoureux du vin que les gastronomes avertis ou encore les curieux en mal d’adresses insolites.

A. D. : Aujourd’hui, les gens qui aiment vraiment la cuisine sont capables de casser leur tirelire pour s’offrir un 3 étoiles et, le lendemain, de se régaler d’un chawarma. À nos yeux, il était donc important de réunir un large spectre d’adresses très contrastées.

G. L. P. : Et puis, il y a quand même une ligne directrice : le pinard ! Dans 90% des restaurants mis en avant, il y tient une place prépondérante.

Sans parler des tables de campagne, très largement majoritaires…

A. D. : Notre guide contient effectivement peu d’adresses en ville. Là s’opère souvent une forme de standardisation des tables, notamment à Paris. Du coup, si nous en avions intégré une seule, il aurait fallu ajouter toutes celles qui lui ressemblent. Ce n’était pas notre propos. Nous avons préféré sortir des sentiers battus pour ne retenir que des adresses hors radar.

G. L. P. : Nous voulions un guide pérenne, riche de tables à la carte des vins, à l’atmosphère ou aux murs que seul le temps peut construire. Or, la frénésie d’ouvertures observée dans des villes comme Paris ne le permet pas. Nous nous sommes donc naturellement tournés vers les campagnes.

Comment avez-vous testé ces adresses ?

A. D. : Région par région, en payant nos additions, de façon totalement anonyme. Et ce, d’autant plus aisément que, aux yeux des restaurateurs, nous apparaissons comme un couple tout à fait classique. 

Vous avez fait tout ce travail à deux ?

G. L. P. : Bien sûr ! C’est une vraie histoire de couple ce guide !

A. D. : Nous n’imaginions pas un instant tester ces restaurants l’un sans l’autre. Idem côté écriture. Je relisais les textes de Goulven et inversement. Si bien qu’aujourd’hui, nous sommes incapables de savoir qui a rédigé quoi.

G. L. P. : Ça aurait pu ne pas matcher. Mais, tout cela s’est fait de façon très naturelle, chacun appréciant beaucoup la manière dont l’autre écrit.

Pour terminer sur une touche bourguignonne, comme ça, au débotté, quelle adresse retiendrez-vous dans les environs ?

A. D. : Pas facile. Les régions viticoles comptent généralement beaucoup de restaurants très chouettes. Tu dirais quoi, Goulven ? La Goutte d’Or à Meursault ? La Ferme de La Ruchotte de Bligny-sur-Ouche ? Le Soleil à Savigny-lès-Beaune ?

G. L. P. : C’est dur… Allez : Le Soleil !

A. D. : Incarnation, beauté du lieu, cuisine, carte des vins, charisme de la patronne, Lola… Cette adresse est géniale !