Rencontre avec Benjamin Dambrine-Degosse

Cet ancien consultant dans le bâtiment dirige aujourd’hui Gigamic, l’éditeur et distributeur français de jeux, à l’origine de l’un des plus primés d’entre eux : Quarto. Retour avec lui sur un métier méconnu concernant pourtant des produits de tous les jours.

En quoi consiste votre activité ?

Contrairement aux idées reçues, nous ne créons pas de jeux de société, mais, à l’image d’une maison d’édition, nous accompagnons leurs auteurs. Cela suppose de les sélectionner à partir d’un prototype souvent fait de trois bouts de carton, avant de retravailler les règles avec eux, de trouver un illustrateur, de convenir d’un format et d’un prix, d’identifier des fabricants, de produire les jeux, de les lancer et de communiquer dessus. Là encore, comme pour des éditeurs de livre, il peut aussi arriver que nous adaptions un jeu d’ores et déjà existant ailleurs. C’est le cas par exemple de Phantom Ink ou de Fish & Cheat. Dans ces situations-là, il s’agit alors d’adapter le produit au marché visé, en termes de règles, d’illustrations…

Qui sont les auteurs de jeux de société ?

Dans ce domaine, il existe très peu de professionnels, en France et même dans le monde, c’est-à-dire des personnes qui vivent exclusivement de cette activité. Non, les auteurs, ce sont plutôt vous et moi. Des gens qui, à côté de leur métier, ont une idée de jeu, la développent dans leur coin et finissent par chercher des éditeurs. Là, deux principaux moyens existent. S’adresser directement à eux par mail ou les aborder lors d’un salon. Toute l’année, nos équipes se déplacent en France et à l’international sur ce type d’évènement pour rencontrer des auteurs.

Quels sont les grands rendez-vous des jeux de société ?

En France, le festival le plus reconnu est celui de Cannes, qui récompense chaque année le meilleur jeu d’un As d’or ; notre Palme à nous. Le Festival Ludique International de Parthenay est également très prisé. Plus grand public, il réunit 15 jours durant, dans toute la ville, près de 120.000 personnes. À cela s’ajoutent diverses manifestations à Toulouse, Orléans, Paris…

Comment se positionne Gigamic ?

Créé en 1991 par trois frères désireux de monter ensemble une société d’édition, Gigamic s’est construit autour d’un premier succès développé dès cette année-là : Quarto, un jeu de réflexion à deux, en bois. Pour autant, la société a su évoluer, s’adapter et développer d’autres types de jeux, notamment « initiatiques ». Des produits plus familiaux, peu chronophages, aux mécaniques relativement simples. Il s’agit au fond pour nous de séduire de nouveaux joueurs, de les convertir !

Et en termes de production ?

Gigamic est présent dans près de 80 pays. Environ 5% de nos jeux sont produits en France, le reste étant fabriqué ailleurs en Europe et en Chine. Hormis les cartes ou les puzzles, notre pays n’a pas en effet la capacité productive nécessaire, sauf à s’adresser à une multitude de fournisseurs pour réaliser un seul jeu. Un vrai casse-tête. Nous avons donc pris d’autres engagements, en veillant notamment à limiter au maximum l’usage du plastique et en refusant d’éditer des produits de type legacy, périssables par définition. Car, les jeux ne sont pas des consommables, mais, à l’inverse, des loisirs durables. D’ailleurs, nous en avons tous gardés dans nos armoires !

Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

Le Festival International de Cannes 2023 a récompensé Akropolis d’un As d’or. La gestion de ce succès nous accapare beaucoup. Nous travaillons aussi à deux nouveaux projets : des jeux de rôle initiatiques, particulièrement accessibles, et des jeux d’enquête sous la forme de boîtes renfermant des rapports de police, des photos, des objets… que les participants doivent analyser pour mener à bien leurs investigations, en faisant des recherches sur Internet, en contactant des personnes utiles par mail ou par téléphone…, et, au final, élucider les affaires en question. Immersion garantie !