Rencontre avec Mathieu Persan

Pour la première fois, cet illustrateur reconnu préfère les mots au dessin. Dans Il ne doit plus jamais rien m’arriver, Mathieu Persan raconte le combat de sa mère contre le cancer et les jours d’après. Plus qu’un hommage, une leçon de vie.

Pourquoi vous êtes-vous mis à l’écriture ?

Je n’ai jamais nourri de telles envies par le passé. C’est le décès de ma mère qui m’a conduit à écrire. En particulier, toutes ces scènes complètement surréalistes et pourtant bel et bien vécues aux pompes funèbres ou encore au cimetière. A posteriori, j’avais l’impression de me retrouver dans un film de Woody Allen ! Ce sont d’abord ces moments drôles que j’ai voulu raconter. Mais, pour cela, il fallait aussi parler de l’avant…

L’humour est effectivement très présent dans votre livre. Au regard du sujet abordé, c’est assez inattendu…

Pour moi aussi ! À ma grande surprise, j’ai réalisé que ces situations n’imposent pas d’être prostré 24h sur 24, 7 jours sur 7. Il y a çà et là de véritables moments de rire, de joie, qui n’enlèvent rien à la tristesse et à la douleur ressenties et permettent même de surnager au milieu de tout cela. Je souhaitais en rendre compte.

La maladie, la fin de vie, le décès… inspirent actuellement de nombreux livres et films. Pourquoi à votre avis ?

L’absence de législation face la souffrance de celles et ceux qui ne demandent qu’à partir interpelle. Dans le cas précis d’une forme grave de cancer comme celui qui a emporté ma mère, les organes s’arrêtent de fonctionner, un à un, sans ne rien pouvoir faire d’autre que d’essayer de soulager la personne jusqu’à une mort inéluctable. Quelle cruauté ! Il serait appréciable d’avoir le choix de s’accommoder de cette situation ou pas.

Pour en revenir à votre livre, quelle en était la finalité ? Vous souvenir ? Témoigner ?…

Je n’avais aucun but en tête, lorsque je me suis lancé dans ces écrits. Tout juste avais-je la volonté de leur donner la forme d’un livre. Ce n’est qu’une fois l’ouvrage terminé que je me suis demandé ce que je pouvais en faire. De ce point de vue, les retours des personnes à qui j’ai confié le manuscrit m’ont été très utiles. La plupart d’entre eux disaient s’être appropriés cette histoire pourtant très personnelle au point, pour certains, de les aider à se reconnecter avec leurs proches disparus. De quoi me convaincre de chercher un éditeur.

L’histoire en question n’est pas seulement celle du décès de votre mère. C’est le portrait de toute une famille que vous dressez là…

Rien de prémédité là-dedans. Tout cela est venu à l’écriture. Avec le recul, j’ai pris conscience que, au mieux, nous connaissons nos proches sur les deux dernières générations. Au-delà… Je n’ai par exemple aucune idée de qui étaient précisément mes arrières grands-parents ni de ce qu’ils faisaient. Écrire ce livre était sans doute une façon de préserver la mémoire des miens.

Comment avez-vous abordé ce travail d’écriture ?

J’ai construit ce récit dans les moindres détails, en veillant notamment à alterner les moments sombres et les instants de joie. La structure, les enchaînements, le rythme… ont été pensés de manière quasi scientifique. En clair, j’ai réuni au bout de 8 ans les bribes de phrases écrites çà et là, je les ai relues et classées, de façon à établir un plan très détaillé, chapitre par chapitre, avant de me lancer dans l’écriture et de constater, avec plaisir, que littérature et science ne sont pas si éloignées que ce que nos professeurs nous enseignent.

Quels autres enseignements justement tirez-vous de ce passage à l’écriture ?

J’ai aimé passer du temps avec ma mère, m’amuser à la faire parler et donc à imaginer ce qu’elle aurait pu dire, elle qui était morte, en nous voyant, dans telle ou telle situation. En un mot, essayer de la rendre vivante, au plus près de ce qu’elle était.