Rencontre avec Isabelle Parent

Depuis 2017, cette historienne de formation, passée par l’ESCP, dirige les éditions Paulsen, spécialisées dans l’exploration et l’aventure. Une maison qu’elle connaît bien pour y avoir été auparavant responsable éditoriale. Présentation…

Comment sont nées les éditions Paulsen ?

De rencontres et de passions partagées. Au début des années 2000, l’homme d’affaires suédois Frédérik Paulsen, très féru d’expéditions, manifeste la volonté de publier une encyclopédie de la Sibérie. En 2005, il fonde les éditions Paulsen avec le coordinateur scientifique Christian de Marliave qui lui a présenté Michel Guérin. Depuis 1995, ce dernier dirige la maison d’édition éponyme tournée, elle, vers la montagne. S’ensuivent les premières publications dès 2007. Des ouvrages très ethnographiques qui donnent la parole aux peuples autochtones de Sibérie ainsi que des récits historiques d’expédition arctique… Une niche, avant que les éditions Paulsen ne s’ouvrent davantage aux aventures polaires et, de manière plus large, aux explorations, des espaces verts comme des zones blanches, d’hier comme aujourd’hui, sous forme de récits, parcours, biographies… Soit, pelle-mêle, la première descente du fleuve Amazone, les ascensions de Lionel Terray, vainqueur de l’Annapurna, la conquête de l’Ouest américain à travers la figure de Kit Carson…

Comment réussissez-vous à concilier exigence littéraire et récit d’aventures ?

Lorsqu’un alpiniste ou un explorateur par exemple conte ses exploits, nous l’accompagnons dans l’écriture. C’est là tout le travail d’un directeur éditorial. Par ailleurs, par définition, nos biographies sont confiées à des plumes tierces. Cette rencontre entre un auteur et un aventurier nous porte. Je pense notamment au livre J’aurais pu devenir millionnaire j’ai choisi d’être vagabond. Le parcours de John Muir, un Écossais de naissance, adopté par la région des Grands Lacs aux États-Unis, très vite promis à un bel avenir d’ingénieur, avant que sa soif de nature ne l’emporte et n’en fasse un pionnier de l’écologie, fondateur des parcs nationaux américains. Une histoire passionnante dont s’est très vite emparé l’écrivain Alexis Jenni, prix Goncourt 2011.

Une preuve de plus que le récit de montagne n’est pas votre seule spécialité…

Non, loin de là ! Tout en restant fidèles à nos envies d’explorations, nous nous sommes de plus en plus diversifiés ces dernières années. Tant en termes de sujets que de traitements et donc de publics. Un département Jeunesse a ainsi vu le jour. Le caractère extraordinaire de nos récits et les valeurs que portent les explorateurs auxquels nous donnons la parole s’y prêtent tout particulièrement. De la même façon, nous avons lancé en 2022 une collection de Poche et publions cette année nos premières fictions. Sans parler des liens que nous tissons çà et là, notamment avec diverses salles d’escalade où nos livres figurent en bonne place.

Comment expliquez-vous tous ces développements ? Le public les réclame ?

Oui, sans aucun doute. Covid oblige, les lecteurs ont plus qu’hier besoin de bouffées d’oxygène. Nos publications leur apportent ces respirations. Mieux, se confronter à la nature tient de l’aventure existentielle. Il s’agit d’aller au bout de ses idées, de ses envies… Il y a un large public pour de telles explorations et, peut-être, de plus en plus d’auteurs désireux de les raconter.

Si vous ne deviez retenir que 5 titres des éditions Paulsen…

Le premier qui me vient en tête est Born to run, de Christopher McDougall. Parue il y a plus de 10 ans maintenant et sortie plus récemment en poche, cette bible du trail témoigne de notre attachement aux nouvelles pratiques de montagne. Elle reste l’un de nos best-sellers. Ensuite, je citerais volontiers un autre de nos grands classiques : Les conquérants de l’inutile de Lionel Terray. Une très très belle écriture à l’heure de raconter ce qu’est l’alpinisme. Dans la même veine, Rappels s’impose. Soit, l’épopée complète de l’ascension de l’Annapurna selon Louis Lachenal, sans la censure de son co-équipier Maurice Herzog et avec plus de 300 photos, souvent inédites. Dans la collection Démarches invitant un auteur à vivre une aventure et à la partager à la 1ère personne, je retiendrais Je te suivrai en Sibérie. Irène Frain part sur les traces de Pauline Geuble, une jeune Lorraine, vendeuse de mode à Moscou, partie rejoindre son amour russe déporté en Sibérie, après l’échec du complot des Décembristes. En Jeunesse, je recommanderais notre série 30 destins. Des portraits d’aventuriers, d’alpinistes, de marins… Enfin, à part et en bonus, puisque prévus pour mai, non pas un mais deux ouvrages du côté de nos premières fictions : Ravage de Ian Manook, une chasse à l’homme aux confins du Grand Nord canadien dans les années 1930, et Le silence des tambours de Hanna Pylväinen, ou les tribulations d’une communauté de Samis, en Laponie, suite à l’arrivée d’un pasteur luthérien…