Rencontre avec Yann Bréard

Depuis quelques années, ce libraire s’est imposé comme l’expert en romans policiers de l’Athenaeum. Retour avec lui sur ce genre, ses premiers émois, les tendances actuelles…

Comment êtes-vous venu au polar ?

Petit, chez ma mère, je me souviens des Bibliothèques Rose et Verte dans lesquelles je découvrais les Fantômette et autres Club des Cinq. Ce ne sont sans doute pas à proprement parler des romans policiers, mais leur intrigue, les mystères à éclaircir me captivaient déjà. Par la suite, à la bibliothèque municipale, je dévorais Les Trois Jeunes Détectives. Une série haletante où Alfred Hitchcock intervenait, de manière fictive, dans la préface d’une part et au fil du récit d’autre part, pour conseiller ses héros. Plus tard encore, j’étais fasciné par Le Commandeur. Une collection plus noire, celle-ci, qui campait un New York presque gothique aux personnages solitaires cabossés…

Qu’est-ce qui vous plaît encore aujourd’hui dans ces romans ? Qu’est-ce que de bons « policiers » ?

Des livres dont le côté mystérieux, rocambolesque, macabre, noir… me sort de mon quotidien et de ma zone de confort. Par-dessus tout, ce sont à mes yeux leurs personnages qui comptent. S’ils sont crédibles, si je m’identifie à eux, me voilà pris, plus que par l’intrigue. Qu’importe, après tout, que les ficelles soient grosses et la fin cousue d’avance… J’aime aussi être happé dès les premières pages, que ce soit par le décor, une apparition ou une anecdote. Sans doute une déformation professionnelle…

Il existe un mode opératoire pour bien apprécier un polar ?

Non, à chacun ses rituels ou pas, en fonction de ses contraintes. Pour ma part, avec trois petits à la maison, je dois composer. Donc, je rêve, oui, d’un moment de lecture au calme, dans le salon, avec un chat sur les genoux et une petite musique d’ambiance…

Comment vous, en tant que libraire, vous travaillez ce genre particulièrement foisonnant et dynamique ?

L’Athenaeum s’appuie sur des représentants des différentes maisons d’édition qui connaissent parfaitement leur affaire et nos goûts. Le jeu consiste alors à faire nos choix compte tenu des attentes de nos lecteurs, mais aussi des tendances. L’époque appelle par exemple de plus en plus les thrillers domestiques ainsi que les romans policiers axés sur le darknet ou les réseaux sociaux. Nous devons l’avoir en tête. Et, il n’est pas non plus interdit de faire des erreurs, voire d’avoir de bonnes surprises. Je pense à Rouge parallèle,de Stéphane Keller. À la suite d’un couac, nous en avions reçu dix fois plus d’exemplaires que prévu ! Comme c’était un énorme coup de cœur, j’ai pris le parti de pousser le livre pour, au final, réussir à tout vendre.

Quels polars vous ont profondément marqué ?

D’emblée, je pense à Mamie Luger, de Benoît Philippon. Un roman découvert assez récemment et plutôt atypique, puisque sans enquête. Soit la garde à vue, et donc l’histoire, d’une centenaire auvergnate après qu’elle ait canardé les policiers qui avait pris d’assaut sa chaumière. Un personnage haut en couleur au service de dialogues à la Audiard. Autre grand souvenir de lecture, au point de ne pas en dormir, L’Empathie d’Antoine Renand ou la traque d’un violeur rempli de haine par deux capitaines de police. À ne pas mettre entre toutes les mains donc. Une véritable claque. Pourtant, je pense avoir le cœur bien accroché…