Rencontre avec Marion Jablonski

En poste chez Albin Michel depuis plus de 35 ans, l’actuelle Directrice des départements jeunesse et bande dessinée revient pour L’Athenaeum sur l’histoire et les coulisses des livres animés…

D’où viennent les pop-ups ?

Ils sont apparus dans le monde anglo-saxon au cours des années 1980. En particulier aux États-Unis, haut lieu de l’art graphique et de l’ingénierie papier. C’est à cette même époque qu’Albin Michel Jeunesse, sous la direction éditoriale de Jacques Binsztok, achète les droits pour la France de certains titres des premiers grands noms du pop-up, tel David Carter.

Comment ce genre a-t-il évolué ?

Offrir aux enfants et aux collectionneurs de tous âges le livre-objet le plus spectaculaire et inédit possible a longtemps primé tandis que les thématiques, elles, d’abord tournées vers les contes, s’ouvraient davantage aux apprentissages, des couleurs, des nombres, des lettres… Aujourd’hui, force est de constater que la crise des coûts des matières et des transports, d’autant plus forte que la Chine est devenue LE partenaire référent, nous oblige à revoir notre copie. Des œuvres aussi recherchées que celles de l’illustrateur et ingénieur américain Robert Sabuda ou l’Abc 3d de Marion Bataille, une création emblématique de l’histoire du pop-up à mes yeux, ne pourraient plus voir le jour pour l’instant. Même la réimpression de ce dernier ouvrage pose problème…

Qu’est-ce qu’un bon pop-up aujourd’hui ?

Un livre en « mouvements », toujours à même de surprendre, de faire rire ou frémir, mais dans une certaine économie d’ingénierie papier. Chez Albin Michel, nous nous tournons ainsi vers des formes plus simples de pop-up. Je pense par exemple à la collection que nous développons actuellement avec l’autrice Georgette sur les thèmes de la mer, de la jungle… Des ouvrages plus abordables dans leur réalisation, mais tout aussi intéressants côté manipulation. Ce qui n’empêche pas, au cas par cas, compte tenu du potentiel de certains titres, de réaliser des projets plus complexes, comme la réédition des Contes silencieux de Benjamin Lacombe.

Quelles sont les différentes étapes de fabrication d’un pop-up ?

Tout commence par le souhait de l’auteur et notre capacité à le réaliser. Soit il est suffisamment investi dans l’ingénierie papier pour nous fournir une première maquette muette, soit il ne l’est pas, ce qui nécessite alors de lui associer un ingénieur papier. Sur base de cette proposition intégrant les découpages et animations, nous établissons un devis. Avec lui, la sanction tombe : le livre en question est-t-il faisable ou pas ? Et, si oui, des aménagements sont-ils nécessaires ? Il nous est ainsi arrivé de devoir réduire d’un quart la pagination d’un projet au vu des estimations budgétaires données…

Comment faire habilement cohabiter textes et animations ? Existent-ils de bonnes pratiques ?

Pas vraiment. Le parti pris de Benjamin Lacombe par exemple était d’affirmer toute la puissance narrative des images 3d, de façon à pouvoir pratiquement se passer de l’histoire écrite elle-même… Idem pour l’abécédaire de Marion Bataille qui s’organise autour de ses lettres et de leur design, en l’absence totale de texte. À l’inverse, le pop-up peut aussi être un lieu de narration à part entière, que viennent çà et là rythmer quelques animations, tels des éléments disruptifs tantôt drôles tantôt surprenants…