Rencontre avec Christophe Ono-dit-Biot

Menacée, traquée, une famille fuit une France plongée dans le nationalisme, l’ignorance et l’intolérance. Où vont-ils aller ? Quel lourd secret les oblige à partir ?… Pour L’Athenaeum, le directeur adjoint de la rédaction du Pointrevient sur son septième roman, Trouver refuge.

Comment est né ce livre ?

Dans une époque particulièrement terrifiante, marquée par la montée des extrêmes, la privation de libertés, je voulais imaginer un scénario plausible et l’étudier. En l’occurrence, une France de 2027 dirigée de main de fer par un président populiste, réactionnaire et conservateur. Dans une telle situation, qu’est-ce que chacun de nous ferait ? Partir ? Résister ? Les deux ? Et, pour celles et ceux qui ont des enfants, quel discours leur tenir ?…

Mina, Sasha et leur fille, Irène, décident, eux, de fuir, de chercher refuge, en l’occurrence au mont Athos. Pourquoi cet endroit ?

J’avais envie d’articuler ce roman autour d’une double tension : le récit de cette fuite, de cette traque, et, à l’opposé, des grands moments d’initiation, de poésie, de beauté… Ceux que pourraient offrir un abri. Depuis des années, je n’ai cessé d’aller au mont Athos. J’y ai même emmené mon fils, lorsqu’il avait encore 10 ans. Si ce sanctuaire orthodoxe grec reste éminemment romanesque, plongeant sur la Méditerranée, entouré d’une nature préservée et profuse, il fait un refuge de choix face à un pouvoir qui dit respecter le sacré. Mieux, il est régi par le secret, l’un des thèmes centraux du roman.

Un cadre rêvé pour un père et sa fille…

Dès le début de l’écriture de ce livre, j’avais en tête une image simple et forte : la main d’une petite fille tenue par celle de son père. La littérature traite peu de cette relation. Elle est pourtant passionnante. Dans la façon qu’a un père d’élever son fils, il y a souvent une forme de projection. Avec une fille, c’est le continent inconnu, l’émerveillement et la fascination en permanence. L’initiation d’Irène par Sasha offre donc de véritables instants de pause, de poésie, d’essentialité, d’humanité, dans un monde qui en est de plus en plus dépourvu. Mais, au-delà de la relation père-fille, Trouver refuge aborde également d’autres formes de liens : le couple, l’amitié passée entre le président en place et Sasha, l’amour de Dieu…

C’est aussi un roman sur la transmission des savoirs ?

Bien sûr, à travers toutes ces relations, il est fortement question de sensations et tout autant de transmissions. Ce n’est pas pour rien que Mina, la mère, est professeure ! Je voulais que ce livre soit un lieu d’apprentissages, comme un coffre à histoires, à légendes. De celles qui nous façonnent, nous portent. Il est donc question de Byzance, de Renaissance… J’ai moi-même été guidé dans la rédaction par les récits bibliques, en particulier La Fuite en Égypte, définissant bien avant l’heure les codes du thriller.

Vous parliez de Mina…

J’ai adoré camper ce personnage. Elle change nos habitudes. C’est elle l’élément fort du couple, elle qui décide de prendre en main le salut de sa famille, et non Sasha, comme tout à chacun aurait pu l’imaginer. Pour la première fois, je n’écris pas à la 3ème personne. Cela m’a permis, je crois, de mieux me promener dans la tête des personnages pour donner davantage à vivre leurs moments de transmission et de tension.