Rencontre avec Nathalie Brisac

Cette ancienne conseillère pédagogique travaille depuis près de quinze ans à l’École des loisirs. Aujourd’hui, directrice de la communication, elle revient pour l’Athenaeum sur les liens étroits qu’entretient cette maison d’édition majeure avec les enseignants et, à travers eux, les enfants.

L’histoire même de l’École des loisirs témoigne de son attachement au monde éducatif…

Tout à fait ! Elle a été créée en 1965 au sein des Éditions de l’école. Un groupe fondé, lui, en 1923, autour des manuels scolaires. Un pionnier des livres de mathématiques modernes et autres cahiers de vacances. D’un simple département de littérature jeunesse créatif, l’École des loisirs est devenue la grande maison que vous connaissez aujourd’hui. Un véritable succès ! L’année prochaine, nous fêterons donc 100 ans de collaboration avec les enseignants.

Cet entente s’appuie sur de nombreux outils, non ?

Dès 1981, l’École des loisirs a lancé une diffusion auprès des écoles par abonnement, de manière à ce que même les enfants les plus éloignés du livre puissent le rencontrer a minima en classe. Soit 8 ouvrages adressés, par an et par tranche d’âge. Nous sommes les seuls à le faire à ce jour. C’est une vraie responsabilité. Sachant que les élèves ne choisissent pas les livres, nous devons identifier ceux d’une grande qualité littéraire et graphique, qui parlent au plus grand nombre, dont la richesse nourrit ces lecteurs en herbe ; et ce, sans choquer ni même gêner leurs parents.

Les enseignants vous font-ils des retours sur les livres transmis ? Orientent-ils d’une façon ou d’une autre vos futures publications ?

Non, l’École des loisirs ne fonctionne pas sur commande. Ni de la part des écoles ni auprès de « nos » auteurs. Ces derniers créent et leur talent rencontre l’intelligence des enfants. En revanche, nous accompagnons les professeurs dans la transmission de la littérature proposée à travers divers outils pratiques supplémentaires, comme des dossiers pédagogiques, des activités à mener en classe… 

Les grandes thématiques de cette littérature jeunesse ont-elles évolué avec le temps ?

Si l’enfant reste un être en développement, qui a tout autant besoin d’être rassuré qu’émerveillé, il se pose sans doute plus de questions philosophiques et humanistes que par le passé, du fait d’une société en mutation constante. Nos livres abordent donc davantage ces questions.

Mais le souci pédagogique demeure ?

Bien sûr, nous ne nous appelons pas « l’École » des loisirs pour rien. Reste qu’à nos yeux, le livre est un objet de plaisir, de rêverie… Sans évaluation aucune. Il ne doit pas nécessairement enseigner, mais plutôt aider à transformer l’enfant, à le construire. C’est un très bel outil d’apprentissage en soi, qui n’a pas besoin d’être scolarisé, à condition de bénéficier d’auteurs et d’illustrateurs capables de prendre au sérieux leurs lecteurs.

Justement, l’École des loisirs dispose d’un fonds très riche, notamment de grands classiques réédités ?

Nous avons toujours préféré les long-sellers aux best-sellers, persuadés qu’à l’image des grands vins, les grands classiques se bonifient avec le temps. Ils s’enrichissent au fil des années de tous leurs moments de partage intergénérationnel. Quels plaisirs pour les adultes et leurs enfants ou petits-enfants de lire ensemble Max et les maximonstresLes trois brigands ou encore Chien bleu. Donc, oui, nous veillons à rééditer ces livres, dont certains datent de 1865 ! Ce n’est pas simple. Il faut que les libraires et les enseignants ne se lassent pas, qu’il acceptent de jouer le jeu…

Avez-vous deux ou trois titres en tête pour aider les enfants à mieux appréhender cette rentrée ?

Cette période est souvent synonyme de stress pour eux. L’École des loisirs se doit donc de les aider, notamment en les rassurant. Dans cette optique, je pense à C’est la rentrée ! d’Ella Charbon. En l’occurrence, celle des… doudous que les enfants, très protecteurs, accompagnent. Face aux questionnements des petits comme de leurs parents,Le roi et rien d’Olivier Tallec apporte son lot de réponses, avec humour. Qu’est-ce que le rien, l’ennui… ? A-t-on besoin de tout ? sont quelques-uns des sujets qu’aborde cette histoire de souverain qui a tout et cherche à trouver rien. Pour les plus grands, je conseillerai Pour Lily de Marie Desplechin. Dans ce tout nouvel opus de la série Quartier sensible, comme dans les deux autres, il est certes question de la difficulté de vivre dans les cités, mais aussi de ces amitiés fortes qui aident, qui construisent. Les enfants ne sont pas seuls. C’est cela qu’il faut leur dire…