Rencontre avec Stéphane Lagorce

Ancien chef de cuisine, devenu ingénieur et professeur des sciences de l’aliment à AgroParisTech, il est aussi auteur et éditeur. Parmi ses jolis tours, la collection Le Grand Précis, explorant un produit, un procédé ou un univers, de manière technique. À commencer par son opus sur les vins au naturel, fraîchement amendé. Parfait pour commencer l’année sur de bonnes bases…

Pourquoi avez-vous choisi de vous intéresser aux vins ?

En 2018, las de ces éditeurs maltraitant leurs auteurs, je créais ma propre maison d’édition, Homo Habilis. Je voulais publier peu de livres qui vieillissent très lentement. Dès lors, leur fond technique s’imposait. De ce point de vue-là, le vin, par sa complexité, faisait un sujet de choix. Or, s’il existe des millions d’ouvrages sur cette question, comme en témoignent les rayons de l’Athenaeum, le vin au naturel, lui, restait peu abordé. À part l’excellent livre de François Morel, rien ou presque…

Vous parlez de vin « au » naturel ?

Oui. Les expressions vins nat’ ou naturels laissent à penser qu’ils se font tout seuls. Après avoir écouté un wagon de vigneron(ne)s, je vous garantis que c’est tout le contraire ! Accident sur les levures, aléa climatique et autres joyeusetés nécessitent une attention de tous les instants. Plus encore que des pratiques, c’est une véritable philosophie que ces hommes et femmes adoptent, une “vinosophie”…

Justement, ce sujet complexe, comment vous êtes-vous préparé à l’aborder ?

En tant qu’ex-chef de Maxim’s à Pékin, puis à Paris, des amis sommeliers me proposaient souvent des fonds de bouteille de vins au naturel, à goûter en bout de plonge. De quoi me familiariser avec cet univers. Voilà pour l’éveil. Le livre, lui, s’est construit au contact des vigneron(ne)s. J’ai passé beaucoup de temps à leurs côtés, à discuter. J’ai aussi épluché de long en large les traités d’œnologie utilisés dans les écoles professionnelles, questionné mes collègues d’AgroParisTech sur la pédologie, interrogé d’autres spécialistes au Cnam… Autant de moyens de me forger ma propre opinion, avant de partager cette vision auprès du grand public, en prenant soin de la vulgariser.

Quels principes ont présidé à cette vulgarisation ?

Aucune équation physico-chimique, sinon je perds tout le monde. Des modules de deux pages, voire de deux doubles pages, abordant chacun un item sous un angle précis (le travail de la terre, l’éraflage, les sulfites…), systématiquement ponctués par une conclusion, telles des fiches à consulter au gré de ses envies ou de ses besoins. Comme je le dis souvent, j’écris des livres de… cabinet ! Sans parler de toute une série d’éléments qui rendent l’objet plaisant : une couverture texturée, un large blanc tournant, une infographie avenante…

L’humour fait également partie intégrante de vos ouvrages ?

Je le reconnais, j’ai beaucoup de mal à prendre toutes ces questions très au sérieux. Nous ne sauvons pas des vies ! Et puis, c’est plus fort que moi. Raymond Queneau, Pierre Dac, Pierre Desproges, Marcel Gotlib… m’ont nourri.

Quels sont les plus de cette seconde édition du Grand Précis des Vins au naturel ?

Il y avait des coquilles çà et là. Je les ai corrigées. Surtout, la première mouture manquait de témoignages. J’ai donc ajouté un cahier spécial dans lequel une sélection de vigneron(ne)s répond à une seule et même question : “qu’est-ce qu’un bon vin pour vous ?”. Cela s’appelle “Figures de Moût”…

Et pour demain, que préparez-vous ?

Je travaille sur le lancement d’une collection de Mini ou Micro Précis, moins chers et moins volumineux, sur le sel, puis l’eau pour commencer. Du côté du Grand Précis, après les vins au naturelles fruits et les cuissons, je prévois de publier fin 2022 un nouvel opus sur la pâtisserie. Et puis, qui sait, si une troisième édition des vins au naturel devait sortir, je veillerais à donner plus de place encore aux témoignages et à corriger les nouvelles imprécisions signalées par mes ami(e)s vigneron(ne)s. J’aime cette idée. C’est la preuve que le livre, lui aussi, est vivant.