Rencontre avec Isabelle Boissard, auteure

Dans ce second roman, Camille va aux anniversaires, l’héroïne rentre en France pour aider son meilleur ami à organiser l’anniversaire surprise de sa compagne. Douze jours durant, sa mission en tête, cette expatriée de 52 ans, fraîchement séparée, livre ses réflexions et ses observations sur le monde qui l’entoure. À l’occasion de la venue d’Isabelle Boissard à l’Athenaeum, le 4 juillet prochain, retour avec elle sur cet ouvrage à l’humour décapant.

Qu’est-ce qui vous a poussée à reprendre la plume après le succès de La fille que ma mère imaginait ? Votre propre vécu d’expatriée ?

Plusieurs choses. À commencer, après mon premier roman, par une commande Kobo publiée, elle, sous pseudo. Je ne savais pas trop comment cela allait se passer… S’est ajoutée une bourse, attribuée par le Centre National du Livre. L’une et l’autre m’ont redonné confiance, à un moment où je me sentais peu ou pas légitime à écrire. Et puis, oui, comme vous le mentionniez, il se trouve que je suis, moi aussi, rentrée en France après avoir été expatriée. « Écris le retour ! », me suggéraient alors mes proches, mes connaissances… Même si mon vécu n’a rien à voir avec celui de Camille, j’ai saisi cette occasion pour me lancer.

Ce nouveau roman prend la forme des journaux intimes que nous pouvions avoir avant qu’Instagram ne les remplace. Pourquoi ce choix ?

Il existe une différence majeure, à mon sens, entre le journal intime et le compte Instagram. Je vois dans le premier une sincérité absolue. Ce format autorise le politiquement incorrect, les confidences les plus intimes… C’est LE lieu d’expression d’une liberté totale. En cela, le journal intime me convenait parfaitement. J’avais envie de cultiver ce côté introspectif de Camille. Je voulais qu’elle puisse se livrer totalement…

Votre héroïne se lâche effectivement. En interrogeant notre époque et ses biais, elle épingle au passage tout ce que l’on aime détester ou ce que l’on déteste aimer : les vélos à Paris, les jeux de chance, Instagram, les coachs, les trottinettes, les agents immobiliers, le bon goût… Diriez-vous que Camille est désenchantée, voire, soyons fous, « rageuse » ?

Mon sentiment, et les retours que j’ai sur Camille, est qu’elle ose dire tout haut ce que les gens pensent tout bas. Elle fait un pas de côté pour observer notre monde et ses travers, en particulier leur miroir : Instagram. Mais, avec beaucoup d’humour et sans oublier de s’épingler elle-même. Donc, « rageuse » non, je ne pense pas.

Vous écrivez qu’elle a hérité du « gêne de la gêne ». Ceci explique cette impression de ne jamais trouver sa place ?

Mon premier roman, La fille que ma mère imaginait, racontait l’histoire d’une expatriation géographique, mais aussi sociale. Celle d’Isabelle en l’occurrence. Camille a beaucoup de points communs avec elle. Elle subit. Ce n’est pas une femme forte, une décideuse. Elle est toujours dans un demi-consentement, cherchant de fait constamment sa place.

Sans doute le propre des expatriés, non ?

Je ne crois pas. Au contraire… J’ai toujours connu beaucoup d’expatriés parfaitement à l’aise dans cette vie très agréable, sur le papier comme dans la réalité. Reste que, pour ma part, j’ai été élevée dans l’idée qu’il fallait en baver dans l’existence. Du coup, me retrouver « conjoint suiveur » dans des conditions extrêmement confortables aboutissait à ce paradoxe d’assumer moyennement la situation.

Vous le disiez, Camille témoigne d’un certain recul et de beaucoup d’humour, la rendant ainsi très attachante. Mais, est-ce aussi ce qui la tient ?

Pas de méprise : Camille, comme Isabelle d’ailleurs, mène une vie des plus plaisantes. Mais, oui, clairement, l’humour est une vraie bouée. C’est un moyen d’aborder beaucoup de questions plus ou moins sensibles, de faire passer des messages, de relativiser… Sans compter que, malgré l’emballement technologique, nous ne savons toujours pas ce qu’il y a après la mort. L’humour aide, je pense, à supporter ce mystère qui reste entier.

Ce personnage est d’autant attachant qu’il finit justement par davantage trouver sa place. Et, parallèlement, l’écriture suit : les paragraphes s’allongent, le style est moins nerveux…

Je voulais vraiment que le lecteur voie la lumière. Camille s’apaise une fois qu’elle arrive en Bretagne. D’autant que, dans ses pérégrinations, elle est accompagnée par des hommes particulièrement bienveillants : André, bien sûr ; mais aussi, Antoine… C’est un point important. Dans ce roman, je tenais à parler d’hommes qui ne sont pas à déconstruire, pour reprendre ce verbe à la mode.

Et maintenant ? Jamais deux sans trois : vous travaillez sur une suite ?

J’infuse pour l’instant. Et, pour tout vous dire, l’eau reste assez claire…