Depuis 2017, à la tête de son propre domaine, il s’est fait un prénom, grâce à ses vins. Essentiellement des blancs à l’équilibre subtile, entre expression du terroir et respect du millésime, dont un grand nombre de 1er Cru en Saint-Aubin, Chassagne-Montrachet et Puligny-Montrachet. Visite.
Pour 19 appellations, la taille de votre domaine reste très raisonnable…
Effectivement. On exploite 9 hectares, dont des vignes louées, sur lesquelles nous assurons désormais 100% de la prestation. Du gagnant-gagnant. Tout le monde s’y retrouve : le propriétaire comme nous, avec, en plus, une nouvelle appellation : Saint-Aubin 1er Cru Les Murgers des Dents de Chien. Quand je dis « nous », c’est trois temps pleins, principalement dédiés à la conduite des vignes, et moi, qui me réserve la partie cave. Sentir le vin, le goûter…, c’est un ressenti qu’on ne peut pas confier. Je mène seul ces travaux, grâce à un « outil » adapté.
Vous parlez de votre nouvelle cuverie ?
Je voulais un bâtiment qui me permette de travailler entièrement par gravité et dans un certain confort. Un terrain en pente s’imposait. On a fini par le trouver à 100 mètres de chez nous. Le chantier a duré près de 2 ans, pour s’achever en décembre 2022. Il a fallu creuser dans la roche, jusqu’à plus de 10 mètres de profondeur, pour créer cette cuverie de béton, sur 4 niveaux, dont deux de caves enterrées. Là, mes fûts sont à hauteur d’homme, assez dégagés les uns des autres. Tant est si bien qu’en 10 minutes à peine, je peux sentir une rangée entière. Surtout, je dispose d’un monte-charge intégré qui me permet de les monter à l’étage, pour les soutirer. Ils sont tous équipés d’une vidange totale par-en dessous. C’est hyper facile et pratique.
Et joli aussi !
Vous parlez des ouvertures dans les caves ? On les a aménagées en cours de route. Elles donnent à voir les calcaires de nos sols : le gris, très dense, et, surtout, le jaune, plus délité, infiltré par les eaux de source. C’est lui qui fait la particularité de nos terroirs et donc de nos vins : cette minéralité, un peu salée, épicée, croustillante… On lui doit tout !
À condition de travailler dans le respect des terroirs…
Chaque vigneron doit avoir un objectif en tête. Les vignes, la date de vendange et l’élevage en dépendent. Moi, je suis guidé par deux choses. D’abord et avant tout, la juste expression du terroir ; avec plus ou moins de minéralité, de tension, de fraîcheur… Depuis le temps que je les travaille, je connais chacun d’eux. Ensuite, le respect du millésime. S’il est solaire, cela doit se retrouver dans le vin. Prenons l’exemple de 2023. Un millésime très chaud. En juillet, le potentiel de récolte s’annonçait gigantesque. On a pris le parti d’enlever 30 à 40% des raisins avant véraison, pour composer avec la maturité observée et la minéralité de chaque terroir.
Puisqu’on parle de pratiques, vous êtes en bio ?
Non certifié. Je tiens à cette liberté. En 2024, ça m’a permis de traiter le vignoble, hors homologation, pour sauver ma récolte. Je n’ai pas de process préétabli, de dogme ou d’interdit. Seul compte l’objectif visé. Et, je me donne tous les moyens pour l’atteindre.
Dans cette quête, la date de vendange est primordiale, non ?
À l’heure de faire un vin, on peut parler de filtration ou pas, de telle phase de lune plutôt que telle autre, de fûts de 500 litres ou de 600 litres… Reste que, à mes yeux, rien n’est plus important que la date de vendange. Dans ce domaine, pour moi, c’est l’équilibre du fruit qui compte, entre chair, acidité, minéralité… Car, de manière assez contre-intuitive, c’est exactement la même harmonie que l’on retrouvera dans le vin plus tard. Là, il y a un truc assez précis à aller chercher. Et ce n’est pas une question de semaine, mais de jour. Pour ça, je goûte. En période de pré-récolte, 100 à 150 grumes sont prélevées çà et là, chaque matin, avant d’être pressées. La dégustation fait le reste. Le degré phénolique et autres analyses des œnologues ne m’intéressent pas ou peu. Non pas que je sois contre, mais, elles donnent une vision assez chimique du vin. On n’est pas dans le registre de l’émotion, de l’énergie… Or, ce sont justement ces cases-là que je veux cocher moi.
Vous triez ?
À peine. Quelques feuilles, une sauterelle qui s’est glissée là, et c’est tout. 100% de la vendange est mis en fûts. Je ne débourbe pas. Donc, on a beaucoup de lies. C’est important. Ça protège mieux le vin, ça le nourrit.
Suit l’élevage…
Un an en moyenne dans des demi-muids, puis 3 à 4 mois en cuves. Comme je vous l’expliquais, tous mes fûts peuvent facilement être déplacés. C’est important, en particulier lorsque la fermentation alcoolique n’est pas finie. Au cas par cas, aux premiers rayons de soleil de mars, je remonte un fût via le monte-charge, le laisse au soleil la journée et ça repart.
Et le souffre ?
Seulement, à la mise. Pour deux raisons principales. D’abord, à l’élevage, un vin se construit sans souffre. Sinon, je trouve qu’il se ferme, ses arômes ne se développent pas. En revanche, ne pas sulfiter pendant un an implique d’avoir recours à de grands contenants. Ils conservent mieux le CO2 et donc protègent davantage le vin des risques d’oxydation, à condition de les ouvrir le moins possible. Donc, pas de bâtonnage et des ouillages avec parcimonie, une fois toutes les trois semaines environ. Le reste du temps, je surveille. Je sens encore et encore, pour mesurer les évolutions en cours et parer aux éventuelles déconvenues. C’est ça qui est passionnant : la cave vit ! Ensuite, vous en conviendrait : le souffre en soi n’est pas super bon. Comme un peu tout le monde je crois, j’y suis plutôt réfractaire, voire un peu allergique. Mais, c’est indispensable. Sans, on ne pourrait pas faire de chardonnay qui dure dans le temps. Au fond, le souffre, c’est un peu comme les fondations en béton d’une maison : 1 mètre en profondeur suffit. Alors, pourquoi en faire 8 mètres ?
Puis, c’est au tour de la mise en bouteille…
Avant, je fais un soutirage pour retirer les grosses lies. La mise suit, sans filtration, à trois conditions : un vin clair, cet équilibre en bouche qui m’est cher et une phase de lune adaptée. Montante pour un vin avec un peu de réduction et descendante dans le cas contraire. Les coefficients de marée jouent aussi. La mise faite, vient le bouchage : 100% diam de mon côté. Pas de liège. Il y a trop de variations. Sur 50.000 bouchons de la meilleure qualité, vous en aurez toujours 4.000 qui laisseront à désirer. De là à sulfiter davantage pour protéger le vin… Avec le diam, depuis 2013, j’ai divisé par 3 les doses de souffre !
Et 2023 ?
Il s’annonce comme l’un des grands millésimes de ces 20 dernières années. Certes, on n’a pas tout mis en bouteille encore, mais les vins ont d’ores et déjà un éclat, une pureté, un équilibre… rares à ce stade-là.