Depuis 2019, il se fait un prénom. Même si son père et sa mère restent très impliqués dans le domaine familiale de Morey-Saint-Denis, Laurent Peirazeau conduit ses 3,6 hectares aux 15.000 bouteilles par an, sur 13 appellations, à sa façon, tambour battant. Comme ses ancêtres, de la vigne au chai, et à la mode d’aujourd’hui, côté commercialisation. Pour l’Athenaeum, il se livre, sans ambages.
Comment êtes-vous arrivé dans le vin ?
J’ai toujours travaillé dedans. Aussi loin que je me souvienne. Certes, j’ai régulièrement pris la tangente pour aller voir si l’herbe était plus verte ailleurs – entre père et fils, c’est souvent tendu… -, mais je suis toujours revenu. Pendant une dizaine d’années, entre 20 et 30 ans, mes courtes expériences de charpentier, boucher, croque-mort… ne m’ont pas retenu. Systématiquement, je retournais à la vigne. Et puis, il y a 5 ans maintenant, mon père a tout doucement levé le pied. Pas moi. Bien au contraire… J’ai surtout développé les marchés à l’international. Sur 2023, 70% de la production a été embouteillée, dont un tiers pour la France. Les 30% restants ont été réservés au négoce. Pas en raisin. Hors de question. C’est nous qui faisons notre vin…
Justement, dans les vignes, quelle est votre approche ?
À mes yeux, c’est là que ça se passe. Il y a encore deux ans, je faisais tout tout seul. Maintenant, quelqu’un m’aide. Mon corps parle pour moi. À 51 ans, j’ai deux tendons abîmés, deux prothèses de hanche, des acouphènes en permanence… Mais, pas d’inquiétude, ça va. Tant que je pourrai me lever pour aller aux vignes, je le ferai : 65% du vin se fait là. Il faut labourer aux bons moments, pas trop passer – pas plus de trois fois, en ce qui me concerne -, bien sûr, évasiver, accoler, relever correctement…, mais surtout bien tailler. Ça permet de garder un pied 50 à 60 ans. Et chacun le sait : plus il est vieux, mieux c’est.
Et côté traitements ?
Je travaille en culture raisonnée. Pas d’acaricide et encore moins d’insecticide. C’est niet. Il n’y en a jamais eu, il n’y en aura jamais. J’essaie de me limiter au cuivre et au soufre. Reste que les vignes sont fatiguées. Tous ces dérèglements climatiques les perturbent. Quand il pleut, c’est par seaux ; quand il fait chaud, ça dure des semaines… Donc, si je dois intervenir, je le fais. En particulier, au moment de la floraison. Je peux pas jouer avec le feu sur 3,6 hectares.
Comment travaillez-vous au chai ?
Là, c’est plus simple. Soyons honnêtes : je suis pas œnologue de formation, j’ai juste les bases. Donc, je compose. Je fais du vin comme les anciens. À réception des raisins, la récolte est égrappée à 100% puis mise en cuve avec un peu de SO2. C’est le minimum. Sinon, sur 10 cuvées, vous en jetez 8. Puis, macération à froid de 4 jours et je laisse partir… Mes cuvaisons durent entre 2 à 3 semaines. Depuis toujours. Le vin vit sa vie. Il monte et descend seul en température. Pendant cette phase, je ne refroidis pas, je ne chauffe pas, je surveille : j’écoute le joli son du vin qui crépite. En revanche, je pige et je remonte. C’est très important, pour donner de l’air aux levures naturelles et les développer. À 25-27°C, je décuve, je presse, je remets en cuve, je laisse reposer une bonne semaine et j’entonne. Là, j’ai une préférence pour la maison Chassin. Leurs tonneaux se marient bien avec mes vins, tout en rondeur, très féminins. Quand je peux, sur trois fûts, j’en mets un neuf, un d’un vin et un de deux. Voilà, le travail est fait ! L’élevage dure 14 mois et je termine par la mise en bouteille via un prestataire. Bon, on va goûter maintenant ?