En à peine 5 ans, cet ancien sommelier de Tokyo s’est fait un nom en Bourgogne. Assurément, ce sera un grand de demain. De retour de la capitale où il présentait ses vins au sommelier du restaurant Plénitude – Cheval Blanc Paris***, le jeune Japonais se livre, sans ambages, sur sa vision et ses pratiques. Réjouissant.
Où en êtes-vous des millésimes en cours ?
Tout 2022 a été soutiré et mis en bouteille. Les 2023, eux, sont à l’élevage pour environ 18 mois, aussi bien les blancs que les rouges. Durant tout ce temps, je les goûterai régulièrement, appellation par appellation, afin d’éviter tout risque d’oxydation ou de déviation. En fonction de mon ressenti, il est possible aussi que je les bâtonne. Je ne l’ai fait qu’une fois sur le millésime précédent. Sinon, en 2023, il y aura une nouveauté : un Échézeaux Grand Cru !
Mais, comment faites-vous pour obtenir les raisins de telles appellations ?
Les relations nouées depuis plus de 10 ans avec un grand nombre de vignerons de renom ont été décisives. Ils m’ont présenté les bonnes personnes et, quand cela était nécessaire, coopté, d’une certaine façon. C’est comme ça que, dès ma première année d’activité, j’ai pu, par exemple, acquérir des raisins de Gevrey-Chambertin 1er Cru Les Cherbaudes. Une vraie chance. J’en ai bien conscience. Ensuite, mes premiers vins et leur accueil ont fait le reste…
Au point de pouvoir intervenir sur la conduite des vignes concernées et leurs vendanges ?
Oui et non. Il serait très malvenu d’imposer mes vues dès le départ. Cela ne se fait pas. J’essaie plutôt, avec le temps, la confiance s’installant, d’échanger avec les vignerons en question pour, dans la mesure du possible, nous accorder sur une façon de tailler, d’échetonner, de relever, de rogner…, voire sur une date de vendange. L’idéal. À mes yeux, plus que la qualité du raisin acheté ou les pratiques dans les rangs, ce sont les vendanges, entières pour moi, qui importent vraiment. Sur des cuvées comme Meursault Les Tessons, j’ai réussi à convenir d’une date de récolte. Mes équipes ont même pu vendanger !
Sur quels critères ?
Chaque matin, je les briefais moi-même, photos à l’appui. Ce qu’il ne faut pas retenir – les baies immatures, les pourritures grises, le pédoncule source d’amertume… – et ce qui doit l’être. Même si mes vendangeurs sont, pour la plupart, de grands passionnés de vins, ils apprécient, je pense, cette implication. Ça leur montre l’importance, à mes yeux, du travail qu’ils effectuent. Car, les baies doivent être intactes de façon à ce que la macération intracellulaire, si chère à Jules Chauvet, opère dans les meilleures conditions possibles. C’est pour cette raison aussi que je préfère vendanger jusqu’à midi maximum, effectuer le tri à la vigne et non au chai, puis stocker le raisin ici en cave, à 10°C, avant de le mettre en cuve, non pas à l’aide d’une girafe qui risquerait de l’écraser mais à la main, par petits lots, délicatement.
D’où viennent ces choix ? Comment décidez-vous de telle ou telle pratique ?
Là encore, mes pairs m’ont beaucoup apporté. De mes expériences passées, j’ai tiré mes propres leçons, en adoptant ou en écartant des pratiques menées par les uns et par les autres. J’ai composé. J’ai aussi acquis des convictions à travers mes propres expérimentations. Je pense au pigeage par exemple : sur certaines cuvées, je me suis retrouvé à piger moi-même, les pieds dans la cuve, pour mieux ressentir la température et la structure des raisins. De la même façon, aux remontages à la pompe, un peu agressive à mes yeux, je préfère le seau afin d’apprécier plus précisément les arômes en cours d’élaboration. Ces méthodes me permettent de rester au contact du produit et, je l’espère, de mieux le comprendre. Je me sens très artisan, au fond.
Sans oublier l’analyse…
Effectivement, elle vient, à longueur d’année, confirmer ou infirmer mes ressentis. Et, parce que je manque de patience, en plus de recourir aux laboratoires, j’ai fait l’acquisition d’un instrument de mesure : l’Œnofoss. À partir d’un échantillon, il me fournit instantanément quelques chiffres clés : sucre, ph, acidité totale, rapport glucose/fructose, acide malique, acidité volatile, limpidité… Je m’en sers pour analyser mes propres jus bien sûr, mais aussi les vins que je déguste. J’ai ainsi une sorte de base de données comparatives, à laquelle me référer en permanence.
Et le soufre dans tout ça ?
Je me pose pas mal de questions à ce sujet. Jusqu’à présent, j’en avais fait un usage vraiment très limité. Alors que, personnellement, je suis plutôt porté sur les vins avec soufre. C’est mon côté vieux jeu, très traditionnel… Mais, j’avais choisi de ne pas ou de très peu y recourir. Cette mise en danger m’obligeait à être deux fois plus attentif. Certains clients sont néanmoins sensibles aux possibilités qu’offre le soufre de sécuriser les vins et, aussi, de les inscrire dans la durée. J’en ai donc introduit çà et là, au cours de l’élevage, à différentes doses, histoire de voir…
Vous êtes un traditionaliste, vous ?
Dans un sens, oui ! Regardez les étiquettes de mes vins : chacune porte le blason historique de son appellation. Et puis, s’inscrire dans une longue tradition bourguignonne, la respecter, s’imposent. J’en suis convaincu. Il n’y a qu’à voir mes modèles : pour ne citer qu’eux, le domaine Leroy ou encore celui de la Romanée-Conti !
Très rares, les vins de Kei Shiogai font l’objet de spéculations… Nous limitons donc leurs achats à une bouteille par client, dans la limite de notre allocation. Pour plus d’informations, n’hésitez pas à contacter nos cavistes par e-mail : sdv@athenaeum.com