Drôle d’histoire que celle de cet Américain, passionné de vins, dont l’expertise en implants de chimiothérapie a permis la création de l’un des meilleurs systèmes au monde de service et de conservation des vins. Retour avec lui sur cette épopée et ses joyeux lendemains…
Avant de vous tourner vers l’industrie médicale, vous étiez déjà un amateur de vin ?
Je me suis intéressé au vin à l’âge de 16 ans. Je vivais alors en Californie. Des amis m’avaient emmené dans la Napa Valley pour visiter quelques vignobles. À commencer par ceux de la Peju Winery. C’est là que j’ai bu du vin pour la première fois de ma vie. J’en suis immédiatement tombé amoureux. L’incroyable variété d’arômes et de goûts des quelques 140.000 vins produits chaque année dans le monde offre un terrain de jeu quasi infini. Mais, à l’époque, elle est aussi source de dilemme…
Quel dilemme ?
La nécessité d’ouvrir une bouteille entière pour, finalement, n’en déguster qu’un verre ! Ma soif d’explorer l’univers du vin ne me le permettait pas. Au-delà de mon cas, que faire lorsqu’on désire déguster un verre de blanc puis de rouge, et terminer, pourquoi pas, par un Sauternes ? Ou lorsque votre conjointe ou vos amis n’ont pas les mêmes envies que vous ? Pouvoir isoler le volume de vin destiné à être réellement consommé de celui entièrement disponible (75 cl) s’imposait. En fait, je voulais créer une solution de vins au verre pour la maison. Dans cette quête, mes expériences professionnelles dans le développement de produits médicaux, en particulier en matière de création d’instruments de précision pour les implants de chimiothérapie, m’apportaient l’expertise nécessaire. Conçus pour se glisser sous la peau avec un minimum d’impact, ces outils ont inspiré le tout premier prototype Coravin. Le jour où je l’ai mis au point, je n’ai plus jamais regardé en arrière.
Quand et comment s’est déroulée cette phase de prototypage ?
J’ai fait des essais pendant 11 ans avant de lancer Coravin. Tout en étant PDG de mon entreprise d’implants médicaux, je consacrais mes nuits et mes week-ends à la mise au point de prototypes. Entre 1999 et 2003, j’en ai créés trois, testant rigoureusement divers composants jusqu’à ce que je découvre la combinaison parfaite. En 2004, à l’occasion du mariage de l’un de mes amis, je voulais lui offrir un Coravin, ce qui a donné lieu à 12 évolutions supplémentaires pour garantir une vraie facilité d’utilisation. Parallèlement, j’effectuais d’innombrables dégustations à l’aveugle afin de m’assurer de l’absence d’impact du Coravin sur tout type de vins stockés pendant de longues périodes.
Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?
Garantir que Coravin fonctionnerait avec n’importe quel vin. Quel que soit son cépage, son millésime ou encore son style de vinification, je tenais à m’assurer que ce système ne le changerait en rien. Mon rêve absolu était de pouvoir me servir à diverses reprises un verre d’une même bouteille, sur plusieurs années, sans l’altérer. Pour ce faire, il a fallu expérimenter notre système à coups d’essais contrôlés, nécessitant à chaque fois six bouteilles d’un même vin « ouvert » à différents moments, 5 années durant. En fin de compte, juste avant de lancer mon activité, je menais des tests sur plus 3.600 bouteilles contre une trentaine au moment de mettre à l’épreuve mon tout premier prototype. Une étape sans conteste laborieuse, mais aussi très instructive et enthousiasmante.
Où en sont les ventes aujourd’hui ?
À l’heure actuelle, notre plus grand marché reste les États-Unis, suivis de près par l’Europe et l’Asie. Globalement, dans chacune de ces zones, nos ventes ne cessent de croître, aussi bien en B2B qu’en B2C. Reste que, en tant qu’entreprise privée, nous avons pris l’habitude de ne divulguer aucune information financière, sauf celles-ci : 150 millions de verres ont été servis grâce aux systèmes Coravin et 1,2 million d’appareils ont été vendus dans le monde depuis leur lancement.
Comment les ventes se répartissent-elles entre particuliers et professionnels ?
Cela dépend des zones géographiques. Aux États-Unis, les ventes aux particuliers dominent. En Europe et dans l’Asie-Pacifique, c’est l’inverse, comme au niveau mondial d’ailleurs. Le marché des professionnels est essentiel pour nous : ils initient mieux que quiconque les particuliers. Pour autant, pendant le confinement, les ventes en hôtellerie et en restauration ont été stoppées net. Nous nous sommes donc adaptés et avons réussi à développer notre offre auprès des particuliers. Pour ce qui est de la France maintenant, il s’agit de l’un des premiers pays auquel j’ai consacré des efforts et des ressources considérables. Aujourd’hui, plus de 100 restaurants étoilés utilisent la technologie Coravin pour élaborer des cartes uniques de vins au verre. Ce plébiscite atteste à l’évidence de la qualité et de la fiabilité de nos produits.
Les attentes des particuliers et des professionnels diffèrent-elles ? En quoi ?
Nous avons réussi à mettre au point des produits tout aussi pertinents pour les particuliers que pour les professionnels. Leur portabilité, leur taille réduite et leur facilité d’utilisation conviennent parfaitement aux uns comme aux autres. Seule leur usage diffère quelque peu. Alors que, pour les professionnels, Coravin permet de vendre plus de vins au verre, et surtout de meilleurs vins ; pour les particuliers, il s’agit avant tout d’un système utile à l’heure de déguster n’importe quel vin, en n’importe quelle quantité, sans avoir à déguster toute la bouteille, ou, par exemple, de trouver des associations parfaites qui conviennent à chacun des convives, sans qu’aucun d’eux ne fasse de compromis.
Comment explique-vous le succès de Coravin ?
Dix années durant, en réitérant à l’envi les séances de dégustation à l’aveugle que je menais en phase de tests, nous avons pu asseoir notre crédibilité auprès des professionnels du vin du monde entier. Résultat ? Aujourd’hui, les vignerons, les négociants, les cavistes, les dégustateurs, les éducateurs, les détaillants, les importateurs, les sommeliers… utilisent tous Coravin. Cet adoubement nous a permis de devenir leader du marché dans le domaine de la conservation du vin et de donner de nombreuses occasions aux particuliers d’apprécier toute l’utilité de Coravin chez eux.
En 2021, vous avez lancé Coravin Sparkling, une nouvelle technologie spécifique aux vins effervescents. A-t-elle été bien accueillie ?
Dès le lancement du Coravin Timeless, la question de savoir si ce produit fonctionnait aussi avec les vins effervescents m’était régulièrement posée. Pendant longtemps, nous avons dû répondre que non. De quoi nous motiver davantage pour trouver une solution. Depuis 2021, c’est chose faite. Coravin Sparkling permet de conserver ces vins jusqu’à un mois après leur ouverture. Près de 8 années de développement et plus de 18 prototypes ont été nécessaires. Là encore, de nombreux tests ont été menés avec l’aide de producteurs et autres professionnels, en particulier chez Moët & Hennessy dont Coravin est devenu « le » système officiel de conservation des vins. Un signe parmi d’autres d’un très bon accueil. J’en veux pour preuve le nombre croissant, partout dans le monde, depuis la mise sur le marché de Coravin Sparkling, de grands champagnes et autres vins effervescents proposés désormais au verre. À l’image du développement de l’offre de vins tranquilles au verre après la commercialisation de Coravin Timeless.
Et maintenant, sur quoi travaillez-vous ?
Au-delà de Coravin, force est de constater que les ventes de vin en ligne ont explosé. La pandémie a accéléré cette transition. Pourtant, un problème reste posé : l’impossibilité de goûter le vin avant de l’acheter sur la toile. C’est là que nous entrons à nouveau en scène, avec un dispositif révolutionnaire : Coravin Vinitas™. Cette innovation permet aux professionnels de disposer de bouteilles de dégustation de vin en petits formats, avec une qualité et une conservation inégalées. Elle répond aux attentes des jeunes consommateurs soucieux d’essayer avant d’acheter, tout en nourrissant leur intérêt pour les vins. Dix ans après le lancement de Coravin, nous restons plus que jamais mobilisés pour accompagner l’exploration du monde des vins et offrir à chacun une vraie liberté de choix. Dans les dix prochaines années, attendez-vous à toujours plus d’innovations de notre part. Restez à l’écoute !