Rencontre avec
Fred Bernard et Benjamin Flao
L’un, comme scénariste, et l’autre, en tant que dessinateur, signent La vie secrète des arbres. Soit, l’adaptation en bande dessinée du best-seller de Peter Wohlleben, vendu à 7 millions d’exemplaires et traduit dans plus de 40 langues ! Ou comment rendre récréatif un texte sur la photosynthèse, le langage des arbres, la gale du peuplier… Petit tour de la question avec ses auteurs, avant parution ce jeudi et une rencontre & dédicace à l’Athenaeum le 21 octobre prochain.
Quel est le point de départ de ce projet ?
B. F. : Il y a 2 ans, les éditions Les Arènes m’ont demandé d’illustrer une adaptation en bande dessinée du livre de Peter Wohlleben. J’étais plutôt chaud sur le principe : l’ouvrage est intéressant. J’avais cependant une réserve – la seule d’ailleurs -, j’étais assez réticent sur le scénario imaginé. J’ai donc proposé que Fred Bernard intervienne…
F. B. : Le projet m’enthousiasmait. J’avais déjà travaillé avec Benjamin. Et puis, j’adore les livres de Peter Wohlleben. Je les ai tous lus. Reste que plusieurs scénaristes s’étaient déjà cassés le nez sur cette adaptation. J’ai donc tenté ma chance, sans trop y croire, en croquant une dizaine de pages avec un introduction, un ton…
Ensuite, et c’est là une des particularités de cette adaptation, les textes ont été entièrement redécoupés. Un travail titanesque. Qu’est-ce qui vous a guidé dans cette entreprise ?
F. B. : La vie secrète des arbres a été écrit sur des années. Si bien que, en le relisant, je me suis rendu compte que, çà et là, des occurrences n’avaient pas été réunies dans les chapitres dédiés. J’ai donc veillé à tout remettre en place, sujet par sujet, puis, à classer l’ensemble par saison. Nous voulions éviter de nous retrouver avec une bande dessinée uniquement illustrée d’arbres verts. Une autre volonté était d’apporter un plus par rapport au livre. Or, le texte original est hyper technique. Visuellement, tout n’est pas intéressant à dessiner. Nous devions donc pouvoir prendre la tangente de temps en temps. D’où le parti pris d’un Peter Wohlleben se baladant en forêt, avec son chien, qui au gré de ses errances s’intéresse à telle ou telle question, voire raconte sa vie.
Vous parliez d’un ton également ?
F. B. : Oui, le propos étant souvent assez complexe, un peu d’humour s’imposait. Cette bande dessinée devait à nos yeux cultiver un côté primesautier, adopter un ton quelque peu badin. De fait, Benjamin a représenté Peter Wohlleben de façon assez bonhomme. Et il y a de çà ! Dans la vie, ce forestier de près de 2 mètres, cheminant au milieu des arbres, reste très souriant et doux. Cette vision, au fond assez drôle et poétique, nous voulions la souligner.
B. F. : J’ai retrouvé moi dans le scénario de Fred le ton de la revue naturaliste de Pierre Déom, La Hulotte, entre éléments scientifiques et digressions beaucoup plus légères. Cela rend cette adaptation très vivante, je crois, et participe du sentiment d’avoir en main une vulgarisation de la vulgarisation. Un support pédagogique en somme, capable de toucher les enfants.
F. B. : Et pas que ! Cette bande dessinée est tout public, de 7 à 77 ans, comme Tintin !
Et côté dessins, comment vous y êtes-vous pris ?
B. F. : Comme j’ai pu. Je pensais initialement pouvoir m’immerger dans la nature, y réaliser plein de dessins qui me serviraient de base de travail. Mais, les délais étaient trop serrés. Après tous ces projets avortés, les équipes s’impatientaient. Heureusement, Fred m’a pris en pitié. Il a découpé les textes, certes, mais aussi les images, me fournissant dès lors un storyboard sur lequel m’appuyer. Et puis, j’avais fait mes propres recherches par ailleurs, en prenant soin par exemple de jeter sur œil sur le travail de Christophe Blain pour Le monde sans finou encore de Daniel Casanave sur Sapiens. C’est un phénomène assez nouveau que d’adapter en bande dessinée des livres scientifiques. Toute une grammaire se créé au fur et à mesure, avec un véritable souci de lisibilité et d’esthétique.
Peter Wohlleben est-il intervenu ? Quand ? Comment ?
F. B. : Franchement, il a été plus que cool. Dans le cadre de l’adaptation d’un best-seller, l’auteur a tendance à être interventionniste. Pas lui. Il a nous laissés très libres d’agir, validant au fil de l’eau presque l’intégralité de nos créations, acceptant même que j’abonde le texte de réflexions d’autres spécialistes comme Francis Hallé ou Jean-Marie Pelt, notamment au sujet de l’intelligence des plantes. Non, vraiment, Peter Wohlleben a été particulièrement conciliant. Heureusement, parce que, encore une fois, entre les délais assez courts et la nécessité de rendre digeste un essai aussi technique, la tâche s’annonçait difficile. Anaïs Paris, notre éditrice, nous a bien épaulés. Elle s’est investie comme une folle. Bref, j’ai hâte de pouvoir lire enfin cette adaptation en vrai plutôt que sur un écran d’ordinateur !