Autrice, conférencière, consultante…, cette agrégée de sciences naturelles est l’une des figures du chocolat en France.
Comment êtes-vous devenue « chocolatrice » ?
C’est le fruit d’un parcours atypique… Après avoir suivi des études en sciences naturelles et exercé une année en tant que professeure, j’ai intégré le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), à Montpellier, en 1991. Au terme d’une thèse sur le clonage du cacaoyer, j’y ai obtenu un poste de chercheure. Durant près de 15 ans, j’ai pu rencontrer différents acteurs de la filière cacao dans le monde et… mesurer les travers d’une mondialisation peu éthique. Au point d’abandonner la recherche et de créer ma propre boutique de chocolats d’artisans, à Paris, fin 2006. Pour ChocoLatitudes, j’ai tenu à promouvoir des alternatives de qualité aux produits de l’industrie agroalimentaire. Comme dans le vin, le marché du chocolat a évolué. Des micro-productions locales, responsables, ont vu le jour. D’année en année, j’ai donc accompagné ces nouvelles tendances, en sélectionnant des créations bio et éthiques d’abord, crues ensuite, bean-to-bar plus tard (ndlr : la transformation maison du cacao en chocolat intégrant le traitement de la fève elle-même), jusqu’à ce que je cède cette activité en 2021 et me consacre pleinement aux conseils et à la transmission de mes savoirs.
Comment le livre s’est imposé à vous ?
Un jour, j’ai pu rencontrer Sabine Bucquet-Grenet, des Éditions de l’Épure. Sa collection dix façons de le préparer m’a toujours séduite, par son parti pris éditorial et sa forme. Je lui ai proposé d’en consacrer un cahier à la fève de cacao. Au début des années 2000, ce produit était encore méconnu. Pourtant, il offre une telle variété d’aromatiques, le tout sans sucre… C’est véritablement une autre façon d’appréhender le chocolat, y compris pour celles et ceux qui ne l’apprécient guère. Après ce premier opus, d’autres ont suivi, notamment Le chocolaten 2015, puis Le chocolat noir en 2022. Soit 10 recettes autour de cet ingrédient que j’adore, de la Tatin d’aubergines, oignons et cacao au gâteau citron, noisette, maïs et chocolat, le tout sans produit d’origine animale. Sauf un dantesque flan coco, chocolat, sarrasin, nécessitant des œufs. Pour chacune de ces préparations, j’ai recommandé un type de chocolat, histoire d’éveiller le lecteur à la diversité de ce produit.
De ce point de vue, le chocolat impressionne, non ?
À l’évidence, il varie infiniment, suivant qu’il est noir, au lait ou blanc, qu’il intègre plus ou moins de beurre de cacao… Et que dire des fèves ! D’un pays à l’autre, leur profil change. Même à l’échelle d’une nation, elles présentent de fortes disparités. Prenez l’Équateur. De manière schématique, deux types de production y cohabitent. Des cacaoyers anciens, à faible rendement, produisant un cacao endémique, dit National, aux notes très florales et beurrées ; et une culture plus intensive, source de fèves aux saveurs plus classiques. Ensuite, chaque chocolatier apporte sa patte. Là encore, les variables sont légion, notamment sur les textures. À l’opposé des chocolats Bonnat, connus pour leur finesse, leur onctuosité et leur fondant, les créations de la marque Yêrê par exemple se révèlent particulièrement brutes et granuleuses. Entre les deux, tout un monde existe !
Forte de votre expérience, quel regard portez-vous sur le chocolat ? Plutôt que des créations de chef de plus en plus luxueuses, je retiens surtout de ces dernières années la relocalisation de la fabrication du chocolat, en dehors des nations productrices de cacao certes, mais aussi, et c’est plus récent, à l’intérieur de celles-ci. Là encore, l’Équateur fait figure de pionnier en la matière, après le lancement de la marque Pacari, à base justement du cacao National évoqué précédemment, dont les fèves sont transformées sur place. Ce pays a montré le chemin à d’autres et, ce faisant, a ouvert la voie à une vision beaucoup plus éthique et responsable de cette filière. Cela me ravit !