À la tête d’Émile Henry depuis 2012, le quarantenaire revient, pour l’Athenaeum, sur l’entreprise familiale d’ustensiles de cuisine en céramique, installée à Marcigny, en Bourgogne, depuis ses débuts, en 1850.
Quel héritage vous a laissé Émile Henry ?
Un patrimoine riche d’une histoire de plus de 170 ans, avec en fil rouge, la céramique. Chez Émile Henry, nous ne travaillons que ce matériau. Au point de produire nous-mêmes nos pâtes ainsi que nos émaux et de les améliorer au fil du temps. La R&D aujourd’hui et l’ingéniosité hier ont toujours accompagné l’entreprise. C’est une vraie force. La qualité de nos produits leur doit beaucoup. Autre signature : les ustensiles de cuisine. Tel est notre terrain de jeux. Là que nous témoignons d’un large savoir-faire, fort de plus d’un siècle et demi de conception et de commercialisation de ces produits.
Historiquement, les dirigeants d’Émile Henry dessinaient eux-mêmes ses nouveautés…
Effectivement, j’ai toujours vu mon père réaliser des vues en coupe, de détail, des élévations… Mon grand-père, lui aussi, me raconter ses questionnements à l’heure de dessiner notre poêlon à escargots par exemple. Chez nous, le design a longtemps été uniquement l’affaire du dirigeant. Et pour cause, il réclame une parfaite connaissance des exigences du marché et des impératifs financiers de l’entreprise. Toutefois, en 2015, j’ai souhaité l’ouvrir à d’autres personnes. Depuis, un système hybride a été mis en place. Soit, je dessine moi-même le produit, comme c’est le cas des vinaigriers commercialisés aujourd’hui, soit je fais appel à des designers extérieurs, dans un souci de renouvellement notamment. Dans tous les cas, je garde la main sur cette phase essentielle.
Justement, comment se déroule tout le process de création de vos produits ?
Commençons par le début : l’inspiration. Elle ne vient jamais de nos confrères. Nous nous interdisons de les copier. Elle peut être le fruit du hasard, au gré d’une discussion décousue à la maison, sur un salon professionnel…, ou le résultat d’un process initié par mes soins. Régulièrement, je demande aux équipes de réfléchir à des thèmes qui me paraissent porteurs : le fromage au four, le pain, la pizza… À ce stade, le produit à l’étude doit avoir une vraie valeur ajoutée. Soit il répond à un besoin nouveau, soit il améliore nettement les usages. Si tel est le cas, s’ensuit une phase de dialogue entre le dessin de la céramique, sa conception, et ses tests en cuisine. Là, tout est possible. Certaines créations ont pu être ainsi développées en à peine 2 mois, toutes les planètes semblaient alignées, d’autres ont mis des années…
Donc, vous testez en cuisine vos prototypes ?
Bien sûr ! Nous devons pouvoir garantir leur efficacité. Lorsqu’il s’agit d’un produit très spécifique, je peux consulter un expert. À l’occasion du développement d’une céramique liée à l’univers du fromage, je me suis ainsi rapproché d’un fromager affineur. À l’inverse, si nous avons une bonne connaissance du domaine en question, nous réalisons en interne nos propres tests. Nous disposons pour cela d’une cuisine et il n’est pas rare de solliciter les équipes afin de bénéficier de leurs retours sur telle recette réalisée à l’aide de divers produits à l’étude.
Vous-même, vous cuisinez ?
J’aime cela, oui. Plus que le résultat final, c’est le moment qui m’importe. Cet instant où je m’attable avec une planche à découper, un économe et quelques légumes… Je savoure alors la perspective d’avoir devant moi quelques heures de cuisine. Un passe-temps apaisant, source de transmissions en famille et de découvertes aussi. J’ai cette curiosité-là.
L’année 2022 a été clef pour Émile Henry ?
En août 2022, nous avons investi dans une nouvel atelier de fabrication de 7.000 m2 à Marcigny toujours, de façon à augmenter notre capacité de production de 30%. D’abord, parce que nous croyons au potentiel de développement de certains de nos produits existants ; ensuite, parce que nous avons dans les cartons des lancements qui devraient susciter un intérêt certain… Et puis, cette nouvelle unité, tout en préservant nos fondamentaux, permettra ici d’optimiser des aspects de production ; là, de nous inscrire dans une démarche encore plus durable, avec la récupération de la chaleur des fours, une meilleure isolation… En somme, raison et intuition nous ont guidés dans ce nouveau chantier.
Que nous préparez-vous pour Noël ?
Difficile à dire. La période est pleine d’incertitudes. Pour ma part, j’ai le sentiment que l’époque plébiscite encore le durable, le fait maison et le réconfort. Dès lors, pour les Fêtes, nos cocottes, vinaigriers, bols de préparation… seront au rendez-vous !