Éditeur de BD pour Glénat depuis 2008, il lance en collaboration avec les éditions Fayard la collection « La véritable histoire du far west ». Retour sur cet événement et, de manière plus large, sur le traitement du western dans le 9e art.
Pourquoi le western reste-t-il un incontournable de la BD ?
Question simple, mais réponse compliquée… Le western est effectivement un genre majeur dans la culture de la BD européenne, alors que ce n’est pas le cas aux États-Unis ou au Japon. Et pour cause, il y a eu tellement de séries marquantes, de Jerry Spring à Undertaker, de Buddy Longway à Bouncer, en passant par Blueberry, Comanche, Durango, Lucky Luke… et tant d’autres. Autant de repères, de références, qui marquent chaque génération. Ensuite, le western répond à une codification simple et à une imagerie connue permettant de poser un cadre qui parle aux lecteurs, tout en laissant beaucoup de liberté sur les thématiques. Si bien que tout se raconte dans un western : du romantisme, des tragédies, de l’humour, du social, de l’aventure, de la guerre… Par ailleurs, le western renferme cette idée de territoire en construction, en conquête, avec des lois balbutiantes. C’est idéal pour faire vivre des personnages hauts en couleur ! Enfin, comme le dit l’auteur de BD François Boucq : « Pour un dessinateur, les paysages de l’Ouest constituent une forme d’épure naturelle où domine l’exaltation des sentiments. La cruauté et l’amour y sont sans limite, l’être humain y échappe à toute donnée temporelle ». Bref, c’est un terrain de jeu formidable pour les raconteurs d’histoires en images et leurs lecteurs !
Comment est née la collection « La véritable histoire du far west » ?
J’ai rencontré Farid Ameur, historien spécialiste des États-Unis du XIXe siècle, par le biais des éditions Fayard, pour un album historique traitant du personnage d’Abraham Lincoln. Nous nous sommes rapidement retrouvés autour d’une même passion : le western, à travers l’histoire, le cinéma, la BD…, avec quelques madeleines de Proust communes. Très vite, l’envie de prolonger notre collaboration autour cette fois de la « conquête de l’Ouest » a pointé. Nous souhaitions des westerns qui répondent aux canons graphiques et narratifs du genre, tout en s’inscrivant dans un cadre historique fiable. D’où l’idée, qui n’a rien d’original, de raconter les personnages emblématiques et les moments clés de cette période. Un choix qui nous correspondait, qui a toute sa pertinence dans le cadre d’une collaboration Glénat-Fayard et qui est relativement peu exploité, la fiction pure étant souvent privilégiée.
Justement, pourquoi cette quête de véracité historique absolue ?
Je ne suis pas sûr qu’il y ait de « véracité historique absolue ». L’Histoire est par définition une science humaine… Mais lorsqu’elle est véridique, au sens de la plus probable, elle devient un matériau passionnant, d’une richesse narrative, humaine, émotionnelle… tellement forte qu’il suffit parfois de la laisser s’exprimer pour avoir de belles histoires à lire. Et puis, en étant plus près de la vérité historique, le récit rend compte de la complexité de personnage ou de situation souvent idéalisés. Jesse James est par exemple présenté comme le Robin des bois américain. Cette « légende » s’appuie sur un contexte historique dont la retranscription précise permet en fait de relativiser fortement cette vision.
Comment développez-vous chacun de ces albums ?
Avec Farid, nous avons arrêté une liste de personnages et d’évènements que j’ai proposée à des auteurs susceptibles, selon moi, de prendre du plaisir à réaliser un western. Des scénaristes comme Dobbs, Jean-David Morvan, Luca Blengino, François Corteggiani, Denis Pierre Filippi, Marie Bardiaux-Vaïente ou encore Ozanam ont répondu présents très vite. Sur le plan graphique, nous avons opté pour des dessinateurs au registre réaliste ou approchant, mais avec une variété de styles qui autorise des albums personnels, comme c’est le cas avec Chris Regnault pour Jesse James et Ennio Bufi pour Wild Bill Hickock. Pour l’instant, nous sommes partis sur une douzaine de titres afin de lancer la collection. Les auteurs contactés ont puisé dedans ce qui les motivait le plus. Pour chaque album, une première réunion permet de poser le cadre historique et de déterminer un axe narratif principal autour duquel le scénariste travaille pour créer son récit. Farid intervient alors en soutien pour discuter de la pertinence historique de certains choix et aider dans la recherche documentaire. Une fois le récit validé, le dessinateur prend la main, avec Farid en aide au besoin.
Travaillez-vous déjà sur les prochains ?
Les deux premiers titres, en librairie dès le 18 mai, seront donc Jesse James et Wild Bill Hickok. À partir de début 2023, à raison de 3 ou 4 albums par an, suivront Little Bighorn, célèbre bataille qui vit la victoire des sioux de Sitting Bull sur le 7e de cavalerie de Custer, Jim Bridger dit le mountain man, La ruée vers l’or, Calamity Jane, Alamo, Geronimo, OK Corral, Billy the Kid, Chef Joseph etButch Cassidy & le Kid.