En près de 25 ans, cette ancienne éditrice chez J’ai Lu est devenue directrice générale du pôle poche d’Editis (Pocket, 10/18…). Pour l’Athenaeum, elle revient sur les tenants et les aboutissants de ce petit format, et livre quelques-uns de ses derniers coups de cœur maison.
Comment se porte le poche aujourd’hui ?
De nos jours, 1 livre sur 3 vendu est un poche, voire 1 sur 2, en littérature. Le fruit d’une concurrence exacerbée depuis une dizaine d’années. Celle-là même qui rend quasiment impossibles les achats de titres en dehors d’un même groupe d’édition, voit nos éditeurs solliciter très en amont leurs confrères grands formats à l’étranger ou scruter la moindre création d’une maison d’édition dans l’Hexagone, en quête d’une pépite au taux de transformation hallucinant. À l’instar des Chroniques de Tahiti, une trilogie de Célestine Hitiura Vaite, dénichée chez Au vent des îles, publiée chez 10/18 et vendue à plus de 10.000 exemplaires ! Parfait, au passage, pour cet été… Un exemple parmi tant d’autres de l’engouement pour les poches.
Comment expliquez-vous l’énorme succès de ce format ?
Bien sûr, il y a le prix. C’est l’argument majeur, en particulier auprès des gros lecteurs. À cela s’ajoute une force de frappe de diffusion assez large qui autorise des mises en place massives. Par ailleurs, le poche constitue, la plupart du temps, le seul fond existant d’un auteur. Enfin, depuis près de 15 ans maintenant, les éditeurs concernés revoient leurs couvertures afin rendre l’objet livre de plus en plus attractif. C’est le cas en fin d’année, notamment, au gré d’éditions collectors recourant à de l’embossage, de la dorure, des rabats… Sans parler de l’identité visuelle de nos maisons, elle aussi, repensée çà et là. Pocket vient ainsi de revoir la sienne, entre nouveaux logo et dos…
De quoi rendre le métier d’éditeur de poches particulièrement exaltant, non ?
Oui, à l’évidence ! C’est un travail de tous les instants, qui requiert d’être en permanence en contact, à l’extérieur, avec les éditeurs grands formats, les agents, les auteurs… ; en interne, avec les contrôleurs de gestion pour surveiller les comptes d’exploitation des titres en développement, les équipes marketing, commerciale et de communication sur les problématiques de mise en place, de plan média… Et une fois la journée finie, il faut encore trouver le temps de lire !
Dans cet univers très concurrentiel, comment se positionnent Pocket d’une part et 10/18 d’autre part ?
Pocket est un éditeur généraliste, très grand public, travaillant essentiellement sur du reprint, dans des genres aussi variés que les romans féminins, la science-fiction, les sciences humaines, le développement personnel…, à raison de 400 nouveaux titres par an. 10/18, lui, est davantage spécialisé dans le polar historique – sa marque de fabrique -, la littérature étrangère haut de gamme et la non-fiction. Le tout, en privilégiant les inédits et, de fait, une offre plus resserrée d’environ 130 sorties à l’année.
Quels sont les enjeux du poche pour demain ?
Ils sont doubles à mon sens. D’un côté, gérer une augmentation de nos prix, légère certes mais inéluctable, en raison des coûts de l’énergie comme du papier. De l’autre, en dehors d’accompagner les futurs best-sellers, continuer à défendre des plus petits titres qui permettent aux lecteurs de découvrir d’autres talents…
D’ici là, quelle est votre sélection pour cet été ?
À titre tout à fait personnel, j’ai beaucoup aimé Les heures furieuses de Casey Cep chez Pocket. Le retour sur un fait divers survenu en Alabama, dans les années 1970, dont ce serait emparée Harper Lee si elle avait pu achever l’écriture de son manuscrit. Une histoire dans l’histoire. Génial ! J’ai tout autant dévoré Célestine du Bac de Tatiana de Rosnay, chez Pocket toujours, ou le récit d’une amitié improbable entre un fils de bonne famille et une SDF revancharde de Paris VIIe. Chez 10/18, je retiens Tout le bonheur du monde de Claire Lombardo. Soit, le modèle écrasant d’une famille idéale, de 4 filles, dont les parents continuent d’afficher leur amour comme au premier jour !