Il est l’un des vignerons stars de Mercurey et de Montagny. Depuis plus de 15 ans maintenant, cet enfant du pays travaille à la vigne et au chai comme un sportif de haut niveau, en quête d’une excellence, d’une rigueur et d’une précision absolues, en toute chose.
Vous avez déjà vécu plusieurs vies, non ?
Jeune, je voulais partir à l’autre bout du monde. Cette soif de découvertes, je la tenais de ma mère, issue d’une famille bourgeoise d’artistes. Après le lycée viticole de Beaune, un BTS à Davayé puis une école de commerce, direction la Nouvelle-Zélande donc, puis l’Afrique du Sud, en tant que consultant en vinification et, plus tard, en tonnellerie. Comment transformer un matériau naturel en un beau contenant, qui ne fuit pas et goûte bon ? Fascinant. Cette antithèse de la haute-technologie, j’en devenais conseil et représentant commercial, en France et à l’étranger, tout en aidant mon père régulièrement à Mercurey.
Pourquoi avez-vous finalement décidé de reprendre le domaine familial en 1997 ?
Si mes parents ne faisaient pratiquement pas de vente en bouteilles, je n’ai jamais douté, moi, de ma capacité à faire de grands vins ici. « Mon » premier millésime en 1993 m’avait conforté dans ce choix, en obtenant des notes de dingue. Et puis, côté tonnellerie, j’avais très bien gagné ma vie. Trop. Plus que le directeur de la boîte. Il fallait tourner la page…
Comment avez-vous entrepris cette reprise ?
À l’étranger, j’avais vu des choses merveilleuses, mais aussi des palettes entières de produits chimiques. La compensation à la cuverie de tout ce qui n’avait pas été fait dans les vignes. Je m’y refusais. Je ne corrigerai pas un millésime ! Je devais donc mettre en place une viticulture solide et durable. Pour ce faire, j’ai mis 3 millions sur la table. J’ai rien à cacher, c’est mon côté anglo-saxon. Avec cette somme, j’ai notamment passé mes tracteurs en ultra-légers, rehaussé le palissage de mes parcelles, adopté une méthode de taille plus respectueuse du vignoble, décidé de vendanger en caissettes de 6 kg… De la prophylaxie ! Au final, plus de 800 heures de travail par hectare et par an contre 250 en moyenne ailleurs. Ce travail-là, et je le dis sans prétention, personne ne le produit sur toute la côte chalonnaise.
Et côté cave ?
Fort de mes expériences à l’international, j’ai réalisé une cuverie sur-mesure. Là, je vinifie des grappes entières. Tous les grands vins se font ainsi. Et puis, le travail effectué en amont me le permet. Par ailleurs, j’ai recours depuis 10 ans à un laboratoire bordelais pour sélectionner mes souches de levure ; celles capables de pacifier le milieu plutôt que de l’agresser. Enfin, je fais réaliser mes propres fûts par deux maîtres tonneliers, à partir d’essences locales, très dures, aux grains serrés, que je laisse sécher trois années durant. En la matière, le bois doit rester une composante gustative imperceptible du vin, à l’image d’un maquillage élégant que personne ne devine.
Pas d’amphores ou autres donc ?
Non, je reste fidèle à mon credo : du classique haut de gamme fait main. Aucun effet de mode donc. Le pinot comme le chardonnay de nos latitudes réclament le travail du bois. Celles et ceux qui vous disent le contraire ne savent pas l’utiliser correctement. C’est tout.
Vous ne cédez pas non plus aux sirènes de la com’ ?
Dès la reprise du domaine, j’ai opté pour la non-communication, à l’image de La Grange des Pères. Cela impose de savoir sélectionner « nos » ambassadeurs et de les respecter. Donc pas de caveau, de foire ou encore de Metro. Je protège « mes » pros. Et, ils me le rendent bien…
Et demain ?
Je me suis donné 10 ans encore. Après, mon fils Gautier devrait me succéder. Je le présente déjà. Ça rassure le marché. Je lui laisserai un domaine de 9 hectares aujourd’hui, ma banque de levures et une reconstitution de ma nature de sols, comme autant d’aides à la réflexion. D’ici là, j’aurai constitué ma propre pépinière, avec mes greffons. Sans parler des autres petits détails en agro sur lesquels la marge de progression reste énorme. Je suis motivé comme un garçon de 15 ans !