À 18 ans, ce natif de Beaune, formé dans la capitale des vins de Bourgogne, fonde… un négoce haute couture, dans la Côte des Bar : Champagne Clandestin. De quoi éveiller les curiosités, d’autant que le succès est au rendez-vous !
Comment diable un Bourguignon atterrit-il en Champagne, dans le négoce ?
Rien effectivement ne me prédestinait à cela. Un père serrurier, une mère agent administratif, des échecs scolaires cuisants… Et pourtant ! Le plaisir ressenti durant mes premières vendanges m’amène au lycée viticole de Beaune. Un Bac pro, un BTS viti-œno, 5 années en alternance chez Jean-Philippe Fichet, à Meursault, et me voilà présenté à Bertrand Gautherot. Le propriétaire des champagnes Vouette & Sorbée depuis 1998 connait parfaitement l’Aube et ses vignerons. Il ne lui a pas échappé que, dans les années 2013/2014, toute une génération convertie au bio ou en passe de l’être ne voit pas ses efforts récompensés chez les négociants. Il me propose alors de créer un micro-négoce qui permettrait de valoriser leur travail, car lui n’en a pas le temps…
Qu’est-ce qui vous pousse à vous lancer ?
Le challenge ! Celui de partir d’une feuille blanche, à 18 ans. Je n’aurai jamais eu une telle opportunité en Bourgogne. Le vignoble est inatteignable financièrement et complètement verrouillé. Là, en Champagne, connaissant très mal ses pratiques viticoles, j’ai d’un coup la possibilité d’apporter ma propre vision à cette activité de négoce, à commencer par la sélection des vignerons partenaires…
Justement, comment avez-vous choisi les fournisseurs de « vos » raisins ?
Si Bertrand Gautherot m’a, à l’évidence, ouvert les portes des vignerons de l’Aube, j’ai pu les sélectionner à ma façon, toute bourguignonne… Le parcellaire d’abord, en bio bien sûr, mais selon des critères précis. À Meursault par exemple, l’appellation Village est le fruit d’un assemblage de raisins issus de parcelles similaires. Cette approche simple sur le papier, j’ai souhaité la transposer en Champagne, en ne retenant que des parcelles de mêmes cépage, étage et typicité géologiques, dont seule l’exposition varie. Soit, pour les pinots noirs, des sols kimméridgiens de milieu de coteau, plein Nord ou, à l’inverse Sud. Résultat ? Deux cuvées très différentes de blanc de noirs, de par leur seule exposition : Boréal, sur la verticalité, le côté saillant et salivant du pinot noir ; et Austral, plus sur l’horizontalité, la face plus charmeuse et pulpeuse de ce cépage.
Même approche bourguignonne côté vinification ?
Oui ! Là encore, mes origines parlent pour moi. Pas question de privilégier « un goût maison » comme il est d’usage en Champagne. À l’inverse, il s’agit plutôt de laisser s’exprimer chaque millésime, en étant le moins interventionniste possible au chai. En clair, je vinifie en fûts, même si, pour être tout à fait transparent, je préfère aux pièces bourguignonnes de 228 l les grands contenants de 500 à 600 l, plus propices selon moi à produire des vins frais, sur la tension et la salivation… Je les élève ainsi 10 à 12 mois, auxquels s’ajoutent 15 mois supplémentaires sur lattes, avant dégorgement à la volée et pas de dosage. Après cette dernière manipulation qui a tendance à refermer les vins, je les garde comme en Bourgogne 6 mois à 1 an, avant de les commercialiser.
Et demain ?
Outre l’exposition, je pourrais à l’avenir travailler sur les 5 vallées qui constituent la Côte des Bar. À moins que je retienne une approche communale, en réalisant des crus tel que Landreville, Les Riceys ou encore Ville-sur-Arce… Qui sait ?