Née en Zambie d’un père écossais et d’une mère française, élevée entre le Maroc et l’Hexagone, cette conservatrice de bibliothèque a fini par quitter la BnF pour mitonner des livres de cuisine à succès. Près d’une quinzaine à ce jour. Primé et réédité, le dernier en date, Bouillons gourmands chez Marabout, colle parfaitement aux envies du moment…
Comment êtes-vous passée des fonds de bibliothèque à ceux des casseroles ?
L’histoire, comme le latin, m’ont toujours intéressée. Après mon bac, en 1995, j’ai intégré l’École nationale des chartes pour devenir conservatrice. Plutôt que d’aller manger au C.R.O.U.S. je préférais alors cuisiner dans ma chambre d’étudiante. Le fruit sans doute de mon éducation. Sans être une cuisinière hors pair, ma mère a toujours pris soin de n’acheter aucun produit transformé, encore moins industriel, et de préparer beaucoup de légumes, en particulier durant ses années végétariennes… Et puis, plus simplement, j’appréciais que mes plats plaisent. Lentement, l’envie de changer de voie pointait. Aux débuts des années 2000, je partageais mon temps entre mes activités de catalogage à la BnF, section art & littérature, et mes premières recettes ou articles, pour Le Fooding notamment. Jusqu’à ce que Marabout me propose d’écrire des livres de cuisine. Depuis la Grèce, où je vivais désormais, je me lançais…
En plus de vos ouvrages sur les cuissons, les pommes, le batch cooking…, vous avez eu quelques expériences de cheffe ?
Oui, en particulier à Paris, auprès de la graphiste, designer et restauratrice Ludivine Billaud, pour l’ouverture de son restaurant Pan, en face de son bistrot Le Look, dans le XIe. Mais aussi, à la table du torréfacteur Lomi, à la Goutte d’Or.
Parfait, pour préciser votre vision de la cuisine…
J’aime l’idée d’une cuisine qui s’approprie des techniques de chefs ainsi que des épices et produits d’ailleurs pour les mettre à la portée du plus grand nombre, au fil d’assiettes ménagères simples et réconfortantes. Plus encore, je crois en des plats qui se répondent, celui d’hier alimentant celui de demain et ainsi de suite, dans une économie de moyens et de produits. En quelques sortes, une cuisine de ricochets…
De ce point de vue, les bouillons se posent là…
Effectivement. En une demi-heure de temps seulement, ils permettent de recycler toute une série de rebuts de la cuisine (épluchures de légume, carcasse de poulet, croûtes de fromage…), et de créer une base utile à une préparation autre (gratin, risotto, sauce…) ou un plat-bouillon à part entière, à personnaliser à l’envi en deux tours de mains, à coups de boulettes de viande, de ramens, d’une huile infusée, des zestes d’agrume, d’oignons frits… C’est d’ailleurs comme cela que j’ai organisé mon livre, entre bouillons outils, bouillons à déguster et bonus garnitures. Pratiques, antigaspi, voyageurs, sains et créatifs, les bouillons sont assurément dans l’air du temps !
Les bouillons constituent même de longue date une base essentielle de la cuisine, non ?
« Il n’y a pas de bonne cuisine sans bouillon », affirme Alexandre Dumas dans son Grand dictionnaire de cuisine (1873). De fait, l’écrivain vante la capacité de cette préparation à extraire le goût profond des produits qui la composent…
Justement, avez-vous des conseils à nous donner pour réussir nos bouillons ?
D’abord, démarrez avec une eau froide, de préférence filtrée. Ensuite, adaptez la puissance et la durée de la cuisson aux ingrédients utilisés : un long frémissement pour les viandes, à l’inverse des arêtes de poisson ou des champignons par exemple, qui s’accommodent eux d’un bouillonnement intense et bref. Enfin, laissez refroidir le bouillon pour le décanter et, au besoin, y faire infuser des aromates frais (herbes, algues, zestes…), puis filtrez-le et corrigez son assaisonnement.
Et vous, en ce moment, quels bouillons ont vos faveurs ?
J’ai un petit faible pour celui au haddock poché, à l’écossaise. Puissant, il réchauffe pleinement. Dans un autre genre, les notes acidulées et la texture crémeuse du « grec » me plaisent beaucoup. Pour cette recette, un bouillon de légume ou de volaille, additionné d’un mélange d’œufs et de citron, épaissit à feu doux, avant d’être versé sur du vert et des côtes de blettes ainsi que des petites pâtes langue d’oiseau préparées dans l’eau de cuisson des légumes…