En 2005, avec Amandine, sa femme, il reprenait le restaurant familial étoilé de Tournus. Aujourd’hui, Aux Terrasses continue de servir la région, à leur façon, toute personnelle…
Trouver sa voie n’est pas aisé…
Non. Encore plus dans le cadre d’une reprise. J’avais 27 ans lorsque mon père est décédé brutalement. Je travaillais alors chez Michel Troisgros à Roanne, après un aller-retour à La Tour Rose de Lyon, aux côtés de Philippe Chavent, et d’autres expériences entre Genève et Londres. De retour à Tournus, j’avançais, plein de doutes, avec la peur au ventre de me planter. Dans ces circonstances, mieux avoir l’humilité de rester dans les clous, ceux de la cuisine traditionnelle proposée alors, et de tenir les postes un à un, histoire d’asseoir ses compétences auprès des équipes restées en place. De toute façon, à cette époque, je n’avais aucune idée de ce que pouvait être ma vision de la gastronomie. Il m’a fallu des années pour y arriver, dont de nombreuses en complet freestyle !
Mais le local est toujours resté un marqueur ?
Simple question de bon sens. Mon territoire m’inspire, comme mon père avant moi. Aucun effet de mode là-dedans. À partir de là, j’ai pioché des idées, à droite, à gauche ; essayé de suivre l’air du temps… Petit à petit, toutes ces appropriations ont dessiné les contours de ma cuisine.
Justement, quel est votre territoire ?
Il s’agit avant tout du Tournugeois et, de manière plus large, de la Bresse. Depuis la Saône et la Seille voisines, deux pêcheurs m’approvisionnent en sandre, perche, silure et ablettes. Près d’Autun, j’ai déniché un éleveur de porcs laineux ou mangalitza. Des petits cochons de 60 kg, au gras fabuleux, dont je rôtis les carrés entiers. À Blanot, la Ferme du Mont Rouge, elle, me fournit en bœuf et en agneau. Ce sont eux qui m’ont parlé des fromages de chèvre élaborés dans les environs de Saint-Bonnet-de-Joux… C’est sans fin ! Un artisan en amène toujours un autre. Même combat pour les arts de la table. Pourquoi sourcer des producteurs d’exception près de chez moi si c’est pour acheter des assiettes standardisées, fabriquées à l’autre bout de la France et vendues sur catalogue par des gars en costume 3 pièces ? Ça n’a pas de sens ! Qui plus est, ici, au beau milieu d’un gros vivier de potiers et de céramistes ! Il y a plus de 10 ans maintenant, j’ai donc commençé à rentrer les assiettes d’Isabelle Rouaze, basée à Uchizy, avant que d’autres artisans ne suivent…
Pour autant, vous n’êtes pas cantonné à ce territoire. C’est un point de départ…
D’abord, je ne m’interdis pas de m’approvisionner au-delà de chez moi. Notamment, en poissons et crustacés. Franchement, faire venir des bars ou des langoustines de Méditerranée ou de Bretagne ne change pas grand-chose à mon bilan carbone ! En revanche, pas question de recourir à des produits qui ont pris l’avion. Ensuite, j’ai toujours aimé voyager pour m’approprier des techniques ou des associations d’ailleurs. Je me souviens d’un retour de boîte à Istanbul à 4h du matin, à découvrir la street-food locale, en particulier ces hamburgers « humides » ou islaks. Tout ça, je prends et, après, c’est dans mes cuisines que ça se passe. À l’instar de ce silure pané dans une chapelure épaisse, relevé d’une façon de sauce bulldog et d’une mayonnaise légère disposées en stries, comme sur les okonomiyaki, ces sortes de galettes japonaises. Un clin d’œil au pays du Soleil-Levant…
Retrouvez tout l’univers de Jean-Michel et Amandine Carrette dans leur ouvrage :
« Ce livre, c’est le photographe Matthieu Cellard qui me l’a proposé. Comme nous avons choisi de l’auto-éditer, j’ai pu faire tout ce que je voulais : le tampon en couverture, des coordonnées GPS çà et là, des photos pleine page ou avec un émargement de 5 mm et beaucoup de recettes racontées plutôt que des fiches purement techniques. 99% d’entre elles, ne fonctionnent pas lorsqu’elles sont ramenées à 4 couverts… »