Rencontre avec Pierre-Henri Rougeot, vigneron

À l’occasion de la dégustation de bourgognes aligotés qui se tiendra le 18 juillet à l’Athenaeum, le « couteau suisse », comme il se définit lui-même, du domaine Rougeot Père & Fils a très tôt rejoint Les Aligoteurs. Aujourd’hui membre de leur bureau, il revient sur l’histoire de cette association et sur ses actions.

Comment est née l’association Les Aligoteurs ?

Elle a été créée en 2018, à la suite, je crois, d’une soirée passée au Boisrouge, le restaurant de Philippe Delacourcelle à Flagey-Échézeaux. Le chef et ses amis vignerons avaient décidé de tester les aligotés des uns et des autres. Ils s’étaient régalés ! À cette époque-là encore, ce cépage n’était pas reconnu à sa juste valeur. À l’opposé de la qualité des vins produits désormais, il souffrait toujours d’une mauvaise image…

À quoi était dû ce désamour ?

La production d’aligotés n’a pas toujours été exemplaire. Elle a longtemps été cantonnée à des hauts rendements et à de faibles maturités. Très acides, les vins n’étaient pas du tout adaptés aux goûts de tout à chacun. Et puis, les effets du réchauffement climatique se sont fait sentir : les raisins de l’aligoté le supportent mieux, titrant à 12,5°/12,7° maximum ; toujours avec une belle acidité. Parallèlement, de nombreux vignerons se sont mis à travailler ce cépage avec le plus grand soin, en sélectionnant méticuleusement les plans, en misant sur des élevages en fûts, parfois très longs… De quoi redonner ses lettres de noblesse au « vilain petit canard » de la Bourgogne.

Comment s’organise l’association ?

Son bureau réunit une dizaine de personnes, dont les fondateurs que sont le restaurateur Philippe Delacourcelle ainsi que les vignerons Sylvain Pataille, Laurent Fournier, Pablo Chevrot, Jérôme Galeyrand, Nicolas Faure… Différentes actions sont menées : un salon professionnel organisé tous les 18 mois, à Boisrouge ou ailleurs, rassemblant une cinquantaine de nos membres sur 72 vignerons repartis du Mâconnais au Chablisien ; divers évènements occasionnels, comme notre dégustation, ce 18 juillet, à l’Athenaeum, ouverte, elle, au grand public ; et, après de longues années d’études, la mise en place d’un Conservatoire de l’aligoté.

Et vous dans tout cela ? Pourquoi avez-vous choisi de rejoindre Les Aligoteurs ?

J’ai eu connaissance de l’association dès ses débuts et j’ai tout de suite été convaincu du bien-fondé de sa démarche. Nous ne pouvions pas louper le coche. D’une part, j’admirais les vins de ses fondateurs ; d’autre part, en Bourgogne, rares sont les groupements de vignerons portant un message grand public. Parce que l’aligoté est accessible au plus grand nombre, il offre une formidable porte d’entrée sur notre région. Grâce à lui, les mentalités changent, d’ores et déjà. Partout dans le monde, les sommeliers de restaurant 1, 2 ou 3 étoiles remettent à la carte des aligotés, en parlent à leurs hôtes, osent des accords inédits… Ici aussi, ce cépage inspire. Le syndicat viticole de Meursault, dont je fais partie, a ainsi demandé l’autorisation à l’INAO de planter, au sein de l’appellation, une dizaine de cépages à titre d’essai pendant 10 ans. Parmi eux, l’aligoté. Si cette requête est acceptée, nous pourrons le complanter avec le chardonnay, comme c’était le cas avant le phylloxéra. Ce sera très intéressant à suivre…